AUTEUR: Michel PORCHERON
Silvio Rodríguez Domínguez qui se disposait à participer à New York aux festivités organisées en l'honneur du musicien usaméricain Pete Seeger, à l'occasion de ses 90 années ... n'a pu quitter Paris, le 1er mai, faute de visa. Il n'a pas reçu à temps l'indispensable document de la part du consulat US. Ainsi le Département d'État de Mme Hillary Clinton l'a empêché de traverser l'Atlantique, direction les USA. Le lendemain, S. Rodriguez était de retour dans son pays.
Voici deux textes signés Silvio Rodriguez reçus dans notre messagerie électronique, provenant du Centre-Pablo-de-la-Torriente-Brau de la capitale cubaine, que dirige Victor Casaus.
Le poète et chanteur a adressé à Pete Seeger la lettre suivante :
La Havane, le 3 mai 2009.
Admirado y querido Pete Seeger,
« En ce moment, est en train de se dérouler le concert en ton honneur que des dizaines de chanteurs t'offrent très justement. J'ai à l'esprit toutes ces fois où j'ai eu le privilège de me réjouir de ton talent de séducteur de foules entières. Ainsi je me souviens de toi, à La Havane, quand tu as chanté en homme solidaire avec le Grupo de Experimentación Sonora. Ainsi je garde le souvenir de cette tournée dédiée à Víctor Jara, dans plusieurs villes d'Italie; et aussi je revis cette nuit glacée de février 1980, où répondant à ta demande, nous avons voyagé de New York à Poughkeepsie et nous t'avons écouté interprétant "Snow, Snow", chef- d'œuvre de quelqu'un qui s'interrogeait face à un paysage hivernal.
J'ai tenté d'être avec toi à nouveau, mais, comme tu le sais, ceux qui ne veulent pas que les USA et Cuba se rejoignent, se chantent, se parlent, se comprennent, ne l'ont pas voulu ainsi. Ce sont ceux qui pensent que le monde est divisé entre puissants et faibles, ceux qui n'apprécient que les riches et les forts. Ce sont ceux qui ne nous pardonnent pas qu'étant toujours petits, nous ayons décidé de vivre débout. La réalité crie qu'ils doivent être chaque fois moins nombreux, ces imbéciles, mais d'une certaine façon, cette minorité règne encore et commande. Certains d'entre eux ont vu un danger si nous nous retrouvions, un danger dans un simple geste de fraternité symbolisant deux peuples voisins qui peuvent partager chansons et affections.
Mais pas seulement moi, cher Pete : tout mon pays, digne et sans aucun doute perfectible, t'admire, te respecte et célèbre tes neuf honorables décennies de défense de la justice sociale, de la paix et de la culture.
Ici personne ne te voit comme un danger mais comme un ami extraordinaire, qu' ils nous empêchent de te prendre dans les bras avec la liberté que nous aurions souhaitée. Pour cela, au-delà de ma personne, toute cette Cuba qui t'aime, toujours soumise au blocus des abuseurs, est avec toi chantant aujourd'hui ton prophétique We Shall Overcome et notre Guantanamera de José Marti.
Un beso para Toshi y un fuerte abrazo para ti, de
Silvio Rodriguez Domingo.
Par ailleurs le Cubain avait auparavant envoyé à La Havane le message suivant :
Un message de Silvio Rodríguez à sa sœur et gérante à La Havane :
«Aujourd'hui vendredi 1er mai, je viens de me connecter au site Internet de l'ambassade des USA à Paris. Ici, il est 20h40. Tous les jours ce site web publie la liste des visas sollicités et accordés, si c'est le cas. Ma demande y figure toujours et on y indique que les procédures sont toujours en cours. Comme je devais prendre mon vol ce soir pour New York et que je n'ai toujours pas mon visa, je ne pourrai me rendre aux USA. Demain, je pars donc pour La Havane.
Tu peux passer ce courrier à Tao, le petit-fils de Pete et à Bill l'avocat, avec ma gratitude pour leurs efforts et ma peine pour le peu de respect que le Département d'État a montré à l'égard de l'invitation qui m'a été faite pour célébrer les 90 ans du cher Pete Seeger, légende vivante de la chanson nord-américaine.
Je crois que l'attitude du Département d'Etat est en contradiction avec le souhait exprimé par le président Obama à propos d'un rapprochement avec Cuba. En tant que travailleur de la culture cubain, je continue de me sentir aussi discriminé et victime de leur blocus qu' avec les gouvernements antérieurs. Pourvu qu'un jour cela change vraiment. Merci de ton aide»
Silvio
Traduit par M. Porcheron