
Il y a une semaine, des militaires fomentaient un putsch contre le président démocratiquement élu du Honduras, Manuel Zelaya. Le pays est depuis le théâtre de manifestations, de censure et de répressions. Entretien avec Gilberto Rios, organisateur des rassemblements exigeants le retour de Zelaya.
Comment réagissez-vous à la décision du président illégitime, Roberto Micheletti, de sortir de l'Organisation des États américains (OEA) avant que celle-ci ne suspende le Honduras ?
Gilberto Rios. C'est une mesure pour autojustifier son coup d'État et son gouvernement de facto. Roberto Micheletti a été condamné par la communauté internationale. Le pays est seul. Il n'a aucun appui.
Une semaine après le coup d'État, disposez-vous d'informations sur les conspirateurs ?
Gilberto Rios. Nous avons la certitude et des informations confirmées de l'intervention de personnes étrangères, deux membres de la CIA en particulier, Otto Reich et Robert Carmona, même si le gouvernement américain et Barack Obama ont dénoncé le coup d'État. Ces personnes sont connues pour avoir participé à des coups d'État soutenus par la CIA, comme le 11 avril 2002 contre le président Hugo Chavez au Venezuela, ou s'être prononcées contre le gouvernement de Zelaya lorsque le pays a adhéré à l'Alliance bolivarienne pour les peuples d'Amérique (Alba). Robert Carmona, qui s'est formé à l'École militaire des Amériques, s'est consacré à promouvoir l'interventionnisme étranger au Honduras. Techniquement, il faut relever le rôle joué par Billy Joya. Ce membre de la CIA, fondateur de l'escadron de la mort 3-16, est responsable de plus de 184 disparitions durant les années quatre-vingt (il a été nommé ministre conseiller de Roberto Micheletti - NDLR). Parmi leurs appuis politiques, on trouve les cercles du patronat, terriblement réactionnaires et conservateurs, et l'Église catholique, qui s'est pu- bliquement prononcée en faveur du coup d'État.
Comment vous organisezvous depuis que le Congrès a renforcé l'état de siège ?
Gilberto Rios. L'unique stratégie adoptée est de se joindre par téléphone portable et de communiquer par SMS. À chaque manifestation, nous appelons à la tenue d'une autre pour le lendemain. Vendredi, il y a eu, à Tegucigalpa, la plus grande manifestation que la capitale ait connue avec plus de 150 000 personnes demandant le retour du président Zelaya.
Qui sont les manifestants anti-Zelaya ?
Gilberto Rios. Des secteurs importants de la classe dominante mais également des employés de patrons obligés de manifester. Certains sont payés, et cela a été confirmé. D'autres ont été trompés, en leur faisant croire par exemple que le secrétaire général de l'OEA soutenait Roberto Micheletti. La confusion est d'autant plus grande que les médias ne retransmettent que ce que le gouvernement autorise.
À vos yeux, pourquoi Roberto Micheletti s'accrochet- il au pouvoir ?
Gilberto Rios. L'obstination guidée par la raison est une noble vertu. Là, nous sommes face à un personnage psychopathe qui agit de manière anachronique. Déjà, lorsqu'il était président du Congrès, nous condamnions ses dérives dictatoriales. Aujourd'hui, il commande une armée selon les vieilles méthodes de l'Amérique latine. Son action ne répond pas aux intérêts de la population mais à ceux de la classe dominante.
Désormais, que peut-il se passer ?
Gilberto Rios. Malheureusement, la situation pourrait déboucher sur une guerre civile. Hors de la capitale, ce sont les militaires qui gouvernent. Ils violent les droits de l'homme de manière flagrante. Les jeunes sont victimes de cette répression. Face à cela, ils pourraient chercher à s'armer. Nous n'écartons pas la possibilité de dialogue avec Roberto Micheletti. Mais nous demandons une plus grande intervention de la communauté internationale. L'isolement politique est une bonne mesure, mais il ne faut plus commercer non plus avec ce gouvernement, alors que les libertés fondamentales du peuple sont violées. Entretien réalisé par Cathy Ceïbe