par BONALDI Jacques-François , MARTI José
Traduits par Jacques-François Bonaldi
AVANT-PROPOS
Le Centre d’études martiniennes (C.E.M.) de La Havane a publié en 1996, puis en 2004 (en version révisée et amplifiée de nouvelles notes) une brève « édition critique » intitulée Testamentos de José Martí et contenant six lettres de 1895 distribuées comme suit : à sa mère et à son fils (« Testaments familiaux ») ; au Dominicain Federico Enríquez Carvajal (« Testament antillaniste ») ; à Gonzalo de Quesada y Aróstegui (« Testament littéraire ») ; à María Mantilla y Miyares (« Testament pédagogique ») et à Manuel Mercado (« Testament politique »).
L’idée m’ayant séduite par son originalité, mais aussi par sa facile réalisation en français, puisque ma traduction annotée de ses Journaux de Campagne (encore inédite faute d’éditeurs intéressés) m’a incité à introduire en annexe, comme conséquence de droit fil, la quasi-totalité de ses textes de 1895 - il meurt en combat le 19 mai 1895 - je la propose donc à ceux que Martí attire ou qui souhaiteraient le découvrir.
Contrairement à mon habitude de proposer des textes abondamment annotés pour faciliter la compréhension du lecteur, j’offre ci-après une traduction sans appareil explicatif (sauf la lettre à Mercado, tirée de ma traduction des lettres de Martí à son grand ami mexicain : Il est des affections d’une pudeur si délicate... Lettres de José Martí à Manuel Mercado, traduites et annotées par Jacques-François Bonaldi, Paris, 2004, L’Harmattan, 432 pp.) : il s’agit en effet (exception faite, une fois de plus, de la lettre à Mercado) de textes d’accès facile, n’exigeant pas une connaissance poussée du contexte personnel ni de l’environnement politique et historique. L’ajout de notes impliquerait des recherches qui peuvent parfois se prolonger contre le gré du traducteur et retarderait donc la connaissance de ces textes dont deux au moins sont fondamentaux pour mieux saisir la pensée politique de Martí à la fin de sa vie : les lettres à Henríquez Carvajal et à Manuel Mercado. Mais je promets de faire de mon mieux pour livrer au plus vite cette traduction annotée.
Quelques courts commentaires sur le contexte. Martí se trouve alors en République dominicaine, se démenant comme un beau diable (après l’échec par trahison, début janvier 1895, du plan de débarquement grandiose qu’il avait organisé dans le plus grand secret pendant des mois) pour tenter de gagner Cuba par un moyen ou un autre où la seconde guerre d’Indépendance qu’il a préparée depuis 1892 (fondation du Parti révolutionnaire cubain) a éclaté le 24 février après qu’il en a donné l’ordre. On conçoit l’extrême tension dans laquelle il vit ces moments-là. C’est profitant d’un temps d’attente à Montecristi qu’il rédige les quatre premières lettres ; il écrit la cinquième à María Mantilla à Cap-Haïtien où, accompagné de Máximo Gómez et quatre autres compagnons, il reste caché pendant trois jours chez son ami Ulpiano Dellundé ; la dernière est datée de Cuba, la veille de sa mort à Dos Ríos.
Le lecteur s’étonnera sans doute de la sécheresse de sa lettre d’adieu à son fils, mais peut-être comprendra-t-il mieux quand il saura qu’il ne put jamais être en fait un père pour lui. Sa femme, Carmen Zayas de Bazán, refusant de partager la vie hasardeuse qu’il lui propose, ne vivra en tout et pour tout que cinquante-cinq mois à ses côtés, restera à Cuba alors qu’il est installé, lui, à New York et fera tout pour éloigner leur fils José Francisco (Pepito) de la mauvaise « influence » qu’il pourrait exercer. De fait, quand il rédige ce « testament », Martí n’a plus revu son fils depuis le 27 août 1891, date où sa femme, qui vient de passer moins de deux mois avec lui, rentre à Cuba sans l’avertir de connivence avec le consul espagnol. Ultime tentative d’une épouse désespérée face à un mari dont elle ne comprend absolument pas l’ « obsession » d’indépendance et craignant que son fils, alors un adolescent (né le 22 novembre 1878), ne suive ses traces. Peine perdue ! Comme bon chien chasse de race, José Francisco Martí y Zayas-Bazán, que sa mère a emmenée avec elle aux Etats-Unis quand la guerre a éclaté à Cuba et le confier à un collège en Alabama pour lui éviter la tentation de « prendre le maquis », s’enrôlera à son insu dans une expédition en 1896 et finira la guerre comme capitaine.
Federico Henríquez y Carvajal (1848-1952) fut un brillant intellectuel et homme de lettres dominicain.
Gonzalo de Quesada y Aróstegui (1868-1915) fut un très proche collaborateur de Martí à New York.
María Mantilla y Miyares (1880-1962), fille de Carmen Miyares, propriétaire de la pension de famille où logeait Martí, fut en quelque sorte l’enfant que celui-ci n’eut jamais à ses côtés, d’autant que sa mère et lui avaient noué des liens amoureux. La Carmita dont il parle est sa sœur aînée (1873-1940),
Manuel Antonio Mercado (1838-1909), homme politique mexicain, fut le plus intime correspondant épistolaire de Martí.
La Havane, avril 2006
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