janvier 2011, par Renán Vega Cantor
(Traduction ARLAC)
On a appris ces jours-ci qu'un criminel naguère président de ce pays a été cité par le cabinet d'avocats des États-Unis Conrad & Scherer comme témoin dans le procès intenté contre l'entreprise charbonnière Drummond pour l'assassinat de 111 modestes Colombiens.
Les avocats du cabinet susvisé, qui représentent les proches des travailleurs assassinés, veulent enquêter auprès de l'ancien président sur les activités des groupes paramilitaires, et lui demander ce qu'il sait des relations entre les multinationales et ces groupes, et des liens du DAS avec les crimes commis par les paramilitaires.
Les avocats du cabinet susvisé, qui représentent les proches des travailleurs assassinés, veulent enquêter auprès de l'ancien président sur les activités des groupes paramilitaires, et lui demander ce qu'il sait des relations entre les multinationales et ces groupes, et des liens du DAS avec les crimes commis par les paramilitaires.
Cette information rappelle la participation directe d'entreprises multinationales au financement, à l'organisation et au parrainage de criminels à gages, en alliance directe avec des secteurs des Forces armées qui, pendant les 25 dernières années, ont persécuté et assassiné des milliers de Colombiens, considérés par ces entreprises comme des “ennemis” de la propriété privée sacrée et de l'investissement étranger. À ce sujet, il y a lieu de rappeler la responsabilité de Chiquita Brands, Coca-Cola, Drummond, Nestlé et de nombreuses autres entreprises dans l'assassinat de travailleurs, dirigeants syndicaux et dirigeants sociaux. Et ce, qu'il s'agisse de multinationales établies tant en ville qu'à la campagne, parce qu'elles partent de l'idée que les richesses de notre sol et de notre sous-sol leur appartiennent par force majeure et par conséquent, protégées par l'État colombien, elles peuvent utiliser toutes les formes de lutte pour préserver leurs intérêts et protéger leurs gains : créer des armées privées à leur service, assassiner des dirigeants syndicaux, polluer l'environnement, détruire les écosystèmes, endommager les sources d'eau, sponsoriser les médias et les journalistes qui blanchissent leur image d'entreprise, suborner des membres de l'Armée et de l'État pour qu'ils agissent en faveur des entrepreneurs qui fournissent du travail et de la richesse au pays, comme le dit la propagande officielle dans les médias.
Ce qui est significatif en l'occurrence, c'est qu'on ne parle pas d'une impunité criminelle des multinationales comme s'il s'agissait du passé, mais d'un comportement d'une actualité impressionnante, si on considère que le projet phare du santisme au pouvoir est de livrer jusqu'au dernier recoin du pays aux multinationales pour qu'elles fouillent notre sol et notre sous-sol et emportent tout ce qu'elles y trouvent.
En ce sens, les crimes des entreprises contre les gens et l'environnement perpétrés par les multinationales vont se généraliser dans le présent et dans le futur immédiat, parce que rien n'indique que les choses aient changé en matière d'impunité en Colombie. Au contraire, ce qu'on observe à l'heure actuelle, c'est l'apologie de l'investissement étranger en tant que potion magique qui va nous sortir du retard et nous conduire au développement économique et à la “prospérité démocratique”. C'est ce que, sous le régime uribiste, on appelait la confiance dans l'investissement, un euphémisme qui cachait la prostration la plus honteuse et la plus vile et la livraison du pays aux intérêts des entreprises multinationales et des pays impérialistes, et à quoi le santisme souscrit aujourd'hui, avec sa prétention de faire de la Colombie un pays minier dont la règle d'or, selon le point 92 du programme de gouvernement de l'oligarque du Jockey Club, “est d'attirer davantage d'investisseurs de taille mondiale, avec des “règles du jeu” qui garantissent la stabilité à long terme …”.
En langage courant, cette stabilité à long terme signifie seulement que l'implantation des concessions minières partout dans le pays s'accompagne de la notion de sécurité des investissements que gèrent les multinationales, qui vise simplement à empêcher toute tentative d'organisation et toute forme de protestation organisée contre l'exploitation des gens et la pollution de l'environnement. Pour éviter la protestation et la résistance, on commence par nettoyer la terre de ses occupants dérangeants, paysans, indigènes et afro-descendants, travail criminel dans lequel les forces armées de l'État et parastatales jouent le rôle de poste avancé. Ensuite, lorsque commence l'exploitation et que les concessions entrent en fonctionnement, la violence devient un instrument pour soumettre et faire taire les contestataires et pour que les quelques travailleurs employés par les concessions acceptent l'exploitation sans piper mot. Si certaines personnes osent dénoncer la destruction des écosystèmes, on emploie aussi contre elles des instruments violents, comme l'attentat par tueurs à gages, afin qu'elles laissent les multinationales piller notre territoire en toute tranquillité.
La prétention de faire de la Colombie un pays minier, comme le Pérou ou le Chili, signifie que pour soutenir un investissement étranger qui génère très peu d'emploi et qui ne crée pas de richesse sans commencer par détruire, il est nécessaire de renforcer les dispositifs militaires et paramilitaires dans l'ensemble du pays. On peut donc conclure que ce que cherchent les multinationales minières, en association avec l'État colombien et les classes dominantes de ce pays, c'est à nous transformer dans le même temps en une concession et un cimetière. Pour que ce soit possible, les terrorismes d'État et parastatal ont un avenir assuré.
Source : Arlac