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21 octobre 2012 7 21 /10 /octobre /2012 19:45

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Carlos Aznárez et le Commandant Ricardo Téllez (Rodrigo Granda)

Carlos Aznárez


Traduit par Pascale Cognet


Edité par Fausto Giudice فاوستو جيوديشي

 


"Il est toujours dangereux de dialoguer sous le feu. Il y a un risque énorme à tenter de parler sous les balles et les bombardements."

 

A  quelques jours de l'ouverture des conversations de paix entre le gouvernement colombien et les FARC, le Commandant  Ricardo Téllez (Rodrigo Granda) membre de la direction  de cette organisation de la guérilla, remarque  que “ la conviction qu’a le gouvernement de Juan Manuel Santos qu’il ne pouvait pas gagner la guerre rapidement,  l'a conduit à dialoguer”.
Téllez, connu également comme “le ministre des Affaires étrangères des FARC”, est dans la guérilla depuis 1980,  même s’il était entré en clandestinité bien plus tôt,  lorsqu’il militait au parti communiste de son pays. Il a reconnu qu’il y avait eu un moment très difficile dans les conversations exploratoires qui ont commencé en 2010, lorsqu’on a assassiné le commandant  Jorge Briceño (Mono Jojoy) et il en  a été de même lorsqu’Alfonso  Cano, référence suprême des FARC, est tombé au combat. "Là, nous avons du réfléchir pour prendre la décision  de continuer ou d’envoyer tout promener. Cependant, nous nous sommes rendus compte que l’objectif était la paix comme l’avait toujours préconisé notre Commandant Manuel Marulanda Vélez et nous avons décidé de continuer afin d’y parvenir." Pour Tellez, il ne fait aucun doute - il s’est exprimé dans ce sens à la Havane -, que si l’on parvient à des avancées dans le dialogue, cette fois les portes de la pacification pourraient s’ouvrir définitivement. Vidéos de l'entretien à la fin de l'article.

A-t-il été difficile d’arriver à l’étape actuelle ? Comment se sont déroulées les premières conversations exploratoires ?
 

Ce chemin n’a pas été simple, parce que nous venons d’une guerre assez dure, de huit ans  avec Monsieur Uribe et deux ans avec Juan Manuel Santos. Dès que le président Santos a pris ses fonctions, il a envoyé une lettre au Secrétariat des FARC, disant que ce nous proposions dans l’agenda de la Nouvelle Colombie bolivarienne pouvait être débattu, mais que les formes de lutte que nous utilisions étaient dommageables pour le pays. De toute façon, il reconnaissait l’existence d’un conflit en Colombie, ce qu’Uribe n’acceptait pas.

C’est à partir de ce moment qu’a commencé un échange épistolaire, qui a  abouti à une réunion en Colombie, suivie de rencontres dans d’autres régions hors de Colombie, pour finir à Cuba, par des réunions que nous avons qualifiées de «  discrètes et secrètes » pendant six mois, jusqu’à ce jour. 

 
Pendant longtemps, pour votre part, à la différence de  l’ELN, vous avez insisté pour que les conversations aient lieu en Colombie. Qu’estce qui vous a conduit à changer d’avis?
 

Rappelez-vous qu’il y a bien longtemps, sous le gouvernement Gaviria, nous avons dialogué à Caracas, puis à Mexico. Nous ne faisons pas du lieu une question de principes mais pour nous le plus important ce sont les fondements et la confiance pour envisager les dialogues.
 
Combien de temps vont durer les délibérations à Oslo?
 

A Oslo, il ne s’agit que de la mise en place de la table, nous y délibérerons deux ou trois jours au maximum, et ensuite nous discuterons à la Havane  de l’essentiel. Nous nous sommes également mis d’accord pour que d’autres réunions puissent avoir lieu dans d’autres pays [L’Argentine ou le Brésil ne sont pas exclus, NdR] en fonction du déroulement des discussions.


Quelles sont les raisons qui vous font penser que l’establishment  colombien a besoin en ce moment précisément d’envisager la paix?
 

Ils ont fait avancer de toutes leurs forces le Plan Colombie. L’idée était de nous exterminer en quatre ans, physiquement. C’est à dire de démontrer au monde que la guérilla pouvait être anéantie par cette voie militaire. Ces quatre premières années de Monsieur Uribe n’ont pas porté leurs fruits là où  il le prétendait. Il a obtenu quatre années supplémentaires grâce à sa réélection et 12  milliards de dollars de plus ont été investis dans la guerre en  Colombie. Il y a une présence usaméricaine, un personnel israélien et britannique et issu d’autres puissances impliquées dans la guerre contre le peuple colombien. Ils avaient parlé de "post-conflit" et il se trouve que l’on ne voit  nulle part la trace de ce qu’ils avaient évoqué. Nous avons une guérilla forte, bien équipée, qui évidemment a subi quelques coups durs mais qui a su s’adapter, avec beaucoup de facilité, aux nouvelles formes que prend la guerre en Colombie.
Le fait de ne pouvoir gagner la guerre rapidement a convaincu Monsieur Santos et ses protecteurs, les USA, qu’il valait mieux dialoguer. Pour notre part, nous sommes des adeptes de la paix et du dialogue. Alors nous avons pris les armes précisément parce que ces chemins nous avaient été barrés. Cela dit, l’establishment colombien pense développer au maximum toutes les politiques néolibérales, ils ont en effet 52 traités de libre échange signés avec différents pays du monde, une bonne quantité de projets agro-industriels et miniers, plus des projets énergétiques pour des millions. N’oublions pas que la Colombie est un des pays les plus riches du continent : nous avons de l’or, de l’argent, des émeraudes, sans oublier nos côtes sur les deux océans et la forêt amazonienne. Tous ces projets que les transnationales impulsent, rencontrent une résistance armée. A partir de là, nos ennemis déduisent qu’il vaut mieux régler ce conflit par la voie du dialogue. Ils craignent de plus que les conséquences de la crise vécues actuellement dans le monde, et tout particulièrement en Europe, puissent créer terreau qui permettrait à partir de l’expérience des FARC de donner naissance à d’autres guérillas sur le continent.
 
Cependant, Juan Manuel Santos insiste sur le fait que les FARC sont acculées, car les derniers coups les ont affaiblies et  c’est précisément pour cela  que vous venez à la table des  négociations.
 

Certainement pas. Un des principes de la guerre, c’est que l’on ne discute pas avec les vaincus. Si moi, je gagne la guerre et je soumets l’ennemi, pourquoi irai-je dialoguer ? Cela n’a aucun sens. Ces hypothèses sont le pur fruit de leur imagination, mais chaque jour, la réalité leur prouve qu’ils se trompent. La confrontation armée aujourd’hui peut encore durer  20 ou 30 ans de plus et cela les hauts commandements militaires le savent bien, ils l’ont dit au cours des réunions au Palais. C’est cela qui les a obligés à réfléchir sur la nécessité de trouver d’autres voies pour mettre fin à la guerre. Au regard de cette situation, nous nous sommes risqués à suggérer au gouvernement qu’il serait important de mettre fin au carnage généré par le conflit, notre intérêt est de construire la paix, mais une paix dans la dignité, la justice sociale, qui prendrait en compte les problèmes du peuple colombien.
Que demande expressément la guérilla?
 

La guérilla ne demande rien pour elle, nous n’attendons rien de l’establishment. Nous nous sommes mobilisés pour des raisons altruistes et pour que le pays et le continent puissent  vivre en paix.
Si ces 48 ans de lutte armée permanente permettent que nous nous acheminions vers une ouverture démocratique, que les façons de faire de la politique changent en Colombie et que l’on respecte les droits humains et l’intégrité des personnes, que notre pays s’inscrive dans la nouvelle réalité latino-américaine, afin de  contribuer à la paix nationale et dans le monde, je crois que  l’on aura  accompli une mission très importante. Il faut se souvenir que nous-mêmes à un moment donné, nous avons  voulu changer cette forme de lutte. Cela dit, si maintenant s’ouvraient les vannes  que l’on nous a fermées en 1964 et si l’on nous autorisait à aller sur la place publique en totale égalité avec les autres forces, nous serions disposés à le faire, mais nos ennemis doivent  être certains qu’ils ne vont pas dialoguer avec une guérilla vaincue. L’erreur des gouvernements colombiens successifs  a été de croire que chaque fois que s’amorçait la possibilité d’un dialogue, c’était dû à la déroute de l’insurrection. Voilà une stupidité et ils savent qu’actuellement c’est insoutenable pour eux.

Ne pensez-vous pas qu’il pourrait y avoir une autre façon d’envisager les choses? Je m’explique : Le président Santos envisage la possibilité de sa réélection très prochainement, et il sait, lui, que si ces conversations sont positives, il peut devenir un porte-drapeau de la paix et légitimer ainsi son désir de continuer à gouverner.
 

La paix a beaucoup de partisans et il est indubitable qu’en Colombie elle fait naître une ferveur extraordinaire. On sent la ferveur d’un véritable plébiscite international qui dynamisera ces dialogues. N’oublions pas que ce conflit est le plus long qu’ait connu l’hémisphère occidental. Il est évident que celui qui hissera les drapeaux de la paix en ce moment, peut aspirer  non seulement à être réélu mais aussi à rentrer dans l’histoire comme celui qui aura tout mis en œuvre pour que son peuple vive mieux. Voilà le défi  qui s’offre au Président. S’il veut œuvrer pour l’histoire, il a une véritable opportunité, mais l’establishment dans son ensemble doit se préparer  à faire quelques concessions que les FARC ont toujours réclamées parce qu’il y a  deux parties en jeu dont aucune n’est encore sortie victorieuse.
 
Quelle différence y-a-t-il entre ces conversations qui vont débuter et les précédentes qui ont eu lieu à d’autres moments de la confrontation?
 

Le Président bénéficie actuellement d’un soutien très important au niveau national et d’un contexte latino-américain différent de celui  qui existait  au cours des dialogues du Caguán. On voit en même temps qu’il y a un soutien plus fort de la part des USA pour éviter que la guerre ne continue en Colombie. N’oublions pas que ce sont eux qui ont été les appuis de cette guerre et s’ils cessent de mettre de l’huile sur le feu, on pourra certainement progresser aussi. On peut voir également que Monsieur Le Président intègre déjà le haut commandement militaire en faisant  participer aux conversations quelques officiers de haut rang. Il y a également des représentants des corporations économiques, qui savent qu’avec un effort et en tenant compte de tous les facteurs qui ont généré le conflit et en y apportant des solutions, on peut s’acheminer vers un processus de paix. Voilà pourquoi  nous considérons qu’il existe quelques différences qui nous permettent de miser sur  une chance plus importante que dans les occasions précédentes.
Il n’y avait pas de réelle volonté de paix dans aucun des processus antérieurs de la part du gouvernement colombien. Si Monsieur Santos compte brandir ce drapeau à des fins politiciennes, il devra en payer le coût historique devant le pays. Aujourd’hui, une chance se présente, pour notre part, nous, les  FARC, nous avons la volonté politique d’avancer, à partir du moment où cela se conçoit avec  sérieux et que l’on peut démontrer qu’il y a volonté de trouver une issue au conflit.
Pour ces conversations, nous avons fait savoir au gouvernement que nous venons à la table des négociations sans arrogance, et nous sommes prêts à mouiller la chemise en donnant notre force, notre énergie et nos idées mais tout en sachant que, lorsqu’il s’agit de régler un problème de cette envergure, c’est celui qui a le plus qui doit donner le plus.
Le gouvernement, l’Etat ont beaucoup à offrir au peuple colombien. Nous FARC, de notre côté, nous avons des idées  pour soutenir la construction  d’une Colombie digne, souveraine et en paix, mais là, celui qui a l’argent, c’est le gouvernement…
 
Quelle influence peut avoir dans ce contexte, le discours que profère Alvaro Uribe, en opposition à ces conversations?
 
Ce secteur est minoritaire, actuellement, il représente environ 18% de la population. C’est un discours totalement archaïque, rempli de haine, d’esprit de vengeance et de représailles. Ce sont des fanatiques de la guerre, mais cela ne nous préoccupe pas trop, en effet chaque jour davantage, le peuple colombien prend conscience de ce qu’ils ont été les promoteurs de cette violence. Avec Uribe, ces secteurs, qui sont extrêmement dangereux, se repositionnent. En soutenant les dialogues - c’est du moins ce qu’a dit le Département d’Etat- les USA montrent qu’ils prennent un peu leurs distances de Monsieur Uribe, et qui peut être mieux placé que les gringos pour donner ce signal ? Ils ont tous les dossiers  dont celui qui récapitule ce qu’a été Uribe depuis qu’il a débuté dans la politique
colombienne. Il figure  au 82ème rang de la liste [de narcotrafiquants, NdE] de la DEA.

Revenons au  cessez-le-feu : s’il ne se produisait pas, et si les actions militaires menées par le gouvernement Santos augmentent, ne pensez-vous pas ces conversations risquent d’être sérieusement compromises?

Il est toujours dangereux de dialoguer sous le feu. Il y a un risque énorme à tenter de dialoguer sous les balles et les bombardements. Nous ne sommes pas en train de réclamer un cessez-le-feu en ce moment, nous avons juste suggéré que nous devrions éviter au pays davantage de morts. Le gouvernement a répondu par la négative, ils vont poursuivre les bombardements et les opérations militaires. C’est donc une obligation pour la guérilla de se défendre. Nous avons insisté, pour notre part, sur notre volonté d’éviter plus de souffrance, mais, il semble que le gouvernement considère que de cette façon nous aurions un avantage militaire. Si ce n’était la tragédie que cela signifie pour le peuple colombien, cela prêterait à rire. Pourtant, il est indubitable que la vie de ses propres soldats n’a pas beaucoup d’importance pour l’establishment ; ainsi que celle du peuple  mise en danger par la guerre. Ils considèrent que le cessez-le-feu doit  être un aboutissement, et nous, nous pensons que la mobilisation permanente du peuple et la pression internationale également pourraient contribuer à l’arrêt de l’affrontement armé entre les deux parties,  sans donner l’avantage à l’une ou à l’autre.
Un autre sujet difficile, c’est la question du temps. Le Président Santos dit que si l’on ne tarde pas davantage, en juin ou juillet 2013, le conflit devrait déjà être résolu, alors que  selon Timochenko, le processus va être long.
 

Timochenko  l’a dit et il faudrait interpréter cela négativement. Rien que pour réussir maintenant à nous mettre d’accord sur un agenda, il nous a fallu deux ans. Cette guerre dure depuis 60 ans, pour cette raison, il nous semble que le Président s’avance un peu trop en disant cela et en considérant que le conflit peut se régler du jour au lendemain. La vie est beaucoup plus complexe que n’importe lequel des sujets que l’on propose dans l’agenda. Les meilleurs plans peuvent  échouer. Alors, nous allons regarder attentivement chaque point de l’agenda, construire petit à petit, sans pauses mais sans hâte, comme l’a dit un ex-président de la République. Il ne s’agit pas ici de courir le cent mètres   mais d’arriver à des accords et que le pays et le monde voient que cela vaut la peine de dialoguer. Nous ne sommes pas disposés à travailler contre la montre, nous ne sommes pas aux Jeux olympiques qui viennent de se terminer.  

Quel sens donnez-vous à l’expression, “laisser les armes”, qui figure dans l’accord cadre pour entamer les dialogues?
 

La phrase a plusieurs interprétations possibles. Nous avons dit que si les portes de la paix s’ouvrent, si l’on réalise de nombreux changements, si l’on respire un nouvel air, les armes, en fin de compte, ne sont que des bouts de ferraille, que l’on peut faire taire à un moment donné. Ce que l’on ne peut effacer, ce sont les idées que chaque combattant a en tête. Les armes, du moment qu’il n’y a pas d’hommes disposés à s’en servir, ne peuvent pas le faire  toutes seules. Elles servent pour défendre le peuple contre la tyrannie afin d’éviter l’esclavage. Ces armes ont permis  maintenant au pays d’entrevoir enfin la paix tant désirée.
 
 Vous avez pris les armes pour dénoncer un ordre injuste (c’est ce que disaient vos communiqués fondateurs). Qu’est-ce qui vous fait penser maintenant  qu’à cette table de négociations, vous pourrez obtenir ce qui vous a été refusé pendant toutes ces années d’insurrection armée ?
 

Nous avons dit  que nous n’allons pas dialoguer pour qu’on nous fasse la Révolution par contrat. Il ne s’agit pas de faire la Révolution à une table de négociations. Nous prétendons qu’il y a ici deux parties qui s’opposent, avec des critères de nature antagonique. Nous disons également : vous nous avez obligés à prendre les armes, vous avez cherché par tous les moyens à nous éliminer et vous n’y avez pas réussi. L’essence même de la guerre, c’est de soumettre la volonté de lutte du rival, et cela non plus, l’État colombien n’y est  pas parvenu et il n’y parviendra pas. C’est pourquoi, nous disons au Président Santos : si vous faites une ouverture et si vous édifiez un nouveau pays, on peut faire taire les armes et chercher par d’autres voies à faire aboutir nos revendications. Nos fondateurs l’ont dit en 1964, nous voulions prendre le pouvoir par la voie pacifique, mais on nous a répondu par la violence. Comme nous sommes des révolutionnaires, d’une façon ou d’une autre, nous devons accomplir notre devoir, nous prenons les armes jusqu’à ce que nous obtenions des changements dans le pays. Si les changements s’amorcent,  alors nous participons à la politique, puisque les armes  n’ont aucun rôle à jouer dans ce domaine. Ce système colombien est si fermé, que cela fait honte, comparativement à d’autres pays du continent et du monde.
 Ailleurs, on n’assassine pas quelqu’un parce qu’il est contre telle ou telle position du gouvernement, ou parce qu’il réclame simplement le respect de la dignité humaine, ou la défense de la souveraineté du pays. Dans d’autres pays, on n’assassine pas des gens qui participent à une manifestation ou qui reprennent la terre. En Colombie, penser différemment de l’establishment a provoqué, lors de la première période de violence, 300.000 morts et pour la période que nous vivons, on dépasse déjà les 250.000 morts. Où a-t-on mené une guerre plus cruelle et plus barbare contre un peuple désarmé. Que n’a-t-on pas fait contre les FARC ces derniers temps ?  On a utilisé la  technologie de pointe la plus sophistiquée, les drones, les avions Super-Toucan, les ballons, tout le renseignement militaire de l’ennemi, les micro-puces, les bombes intelligentes dans le but de briser la volonté des gens qui luttent pour la liberté, la justice sociale et  une véritable démocratie.
 
Un des points cruciaux de l’accord cadre qui sera discuté lors des conversations, c’est le problème de la terre. Quelles sont les propositions des FARC pour régler la situation des paysans colombiens ?
 

 Nous nous sommes engagés sur l’honneur pour que quelques-uns des points  soient discutés à la table des négociations. Nous débuterons la discussion  par le problème de la terre et du développement agricole. C’est pour cela que pour le moment nous ne pouvons pas parler  de ce qui va être débattu à la table des discussions. En plus de recueillir  les avis des organisations agraires, paysannes, indigènes et afro-descendantes, il nous incombe de proposer une vision très concrète et nous avons des suggestions à faire. Les organisations liées aux problèmes ruraux devront participer aux discussions, mais en plus de cela, il faudra voir la question  de la santé, de l’éducation, du logement, de l’écologie et tout le problème de la terre.
 
 Allez-vous exiger la réforme agraire?
La Colombie est le seul pays d’Amérique Latine où il n’a jamais été  réalisé de réforme agraire. 87% des meilleures terres sont concentrées entre les mains de 4% de propriétaires. Les grandes haciendas de plus de 500 hectares se sont développées aux dépens des petits paysans. Le problème du latifundium en Colombie a été à l’origine des premières guérillas. Maintenant, nous subissons  l'offensive des transnationales qui veulent s’emparer des terres, avec des grands projets miniers et agro-industriels. Il faut tenir compte du fait que la terre, en ce moment, et au niveau mondial, a atteint des prix exorbitants.

 
Comment la société colombienne actuelle peut-elle participer aux conversations sur la paix?
 
Nous avons adopté  quelques principes pour le fonctionnement de la table. Les gens qui se trouvent dans le pays peuvent convoquer des forums, des assemblées, des rencontres, des rassemblements où pourra être débattu  par exemple le problème de la terre. On pourra également organiser  des rencontres nationales  où l’on pourra apporter et  réunir toutes les idées. Le problème de la terre en Colombie ne date pas d’hier, c’est un problème historique et les organisations paysannes, indigènes et afro-descendantes  se sont formées grâce à un parcours de lutte, il en est de même pour les FARC. Le 20 juillet 1974, les FARC ont  rendu public le programme agraire des guérilleros. Actuellement, nous actualisons tout cela et nous l’apportons à la table des négociations pour en débattre.
 
Mais le gouvernement Santos affirme qu’il commence déjà à s’occuper du  problème de la terre.  
 Le gouvernement   a intérêt à opérer quelques changements dans le domaine de la terre, car il est de son  intérêt de recentrer la question du capitalisme dans la campagne. Le problème est qu’il va lui falloir intégrer  les deux tiers de la Colombie qui représentent le pays des oubliés. Là, dans ce territoire se trouve la guérilla et il n’y pas trace de la présence de l’État. C’est la raison pour laquelle, nous devrons en débattre quand nous aborderons le sujet du développement agricole.
 
 Il y a également le problème  des zones de plantation de coca, et tout ce que cela implique au niveau de la monoculture.
 

 Les plantations de coca ne se trouvent pas uniquement dans  les zones de la guérilla mais dans pratiquement tout le pays. Dans l’accord cadre, il y a un point pour débattre du problème de la monoculture. Vous noterez que pendant le sommet de Carthagène  et le sommet Ibéro-américain qui va avoir lieu en Espagne, un des problèmes débattu est celui de la lutte contre le narcotrafic. En mars 1999, notre commandant Manuel Marulanda Vélez a  réalisé une étude sur la  commune de Cartagena del Chaira. Il l’a présentée à la première réunion  tenue sur les cultures illicites et la défense  de l’environnement à Caguán. Il s’agit d’un plan complet et valable pour toute l’Amérique Latine, à débattre à L’OEA et à l’ONU. Il est temps que le Département d’État US  voie qu’il y a une façon différente d’aborder le problème de la production et de la commercialisation des narcotiques dans le monde. Pour cela, la réponse répressive n’est pas suffisante car il s’agit d’un phénomène économique, politique, militaire et social. Cela  brasse  des fortunes immenses. Actuellement, 670 milliards de dollars circulent à travers le monde grâce aux narcotiques. Tout ce flot de billets irrigue le secteur financier des USA. 20 milliards sont reversés  en Amérique Latine, et la Colombie, dont on dit qu’elle exporte 80% de la cocaïne, reçoit 4,5 milliards de dollars. Qui fait le  plus grand commerce ? En dehors de cela, la coca est liée au problème des précurseurs chimiques, produits dans le premier monde. C’est lié au problème  des armements. Qui les fabrique? Ce sont eux  aussi, l' Occident, le premier monde.
Comme on le voit bien, ce sont des sujets très sérieux, et l’État s’est bien rendu compte que cette guerre, il l’a déjà perdue. A cause de cela, les autres pays voient comment ils abordent ce sujet et sur ce point les FARC ont aussi des propositions à faire pour envisager des solutions. C’est contradictoire, mais sur cet aspect, nous pouvons être les alliés des USA. Avec l’Europe aussi, dont la jeunese est frappée de plein fouet, et nous, nous payons le prix d’une guerre qui n’est pas la nôtre.
 
Imaginons que les conversations de paix aboutissent, moyennant des changements et  quelques concessions. Qu’advient-il des bases usaméricaines?
 

Il s’agit là d’un problème de souveraineté nationale et  nous nous sommes opposés par principe à ce qu’il y ait des bases militaires, avec des troupes étrangères en Colombie. Sous prétexte de lutte contre le narcotrafic, ils se sont installés là, livrant  par la suite la guerre contre-insurrectionnelle la plus dévastatrice. Nous, nous avons reçu les bombes. Aucun narcotrafiquant n’est mort à cause d’elles, alors qu’ils étaient supposés être la cible  de ces bases. Tout ce qu’il y a en Colombie en rapport avec ces bases sert à contrôler le continent sud-américain, voire même africain. Nous sommes fermement convaincus que ces bases, leurs conseillers et les troupes usaméricaines rendraient un grand service à la paix en quittant le territoire colombien.
 
Dans quelle mesure le résultat des élections usaméricaines peut-il influencer ces négociations?
 
On spécule beaucoup là-dessus, bien que les deux grands partis soient en accord sur la politique extérieure usaméricaine. Ils suggèrent que le candidat républicain est beaucoup plus dur qu’Obama, ou que celui-ci va changer de position, mais la réalité c’est qu’en politique étrangère, ils marchent comme un seul homme. On aimerait, mais ce sont des vœux pieux, que monsieur Obama  ait une façon différente de regarder l’Amérique latine. Qu’il se rende compte que ce blocus de Cuba est obsolète, et que lui, en tant que démocrate, devrait contribuer à le lever. Ou bien encore cette prison de Guantanamo qu’ils conservent et  qui devrait disparaître. La réalité, c’est qu’en politique extérieure, les USA ont chaque fois plus serré à la gorge l’Amérique Latine, c’est pour cette raison qu’ils sont isolés sur le continent.

Accordez-vous de l’importance aux changements qui se produisent sur le continent par rapport à l’intégration des pays?

Bien sûr, une nouvelle façon de faire de la diplomatie dans les pays latino-américains a vu le jour. Le fait que l’OEA ait perdu autant de prestige et que les organismes comme la CELAC et l’UNASUR aient pris de l’essor, sans  représentation en leur sein de gringos ou de Canadiens, signifie que leur politique extérieure pour l’Amérique latine a échoué. Pour les peuples, ils sont un danger, un monstre assoiffé de nos richesses naturelles.
 
Envisagez-vous de participer d’une façon ou d’une autre aux prochaines élections colombiennes?
 
Il est trop tôt pour en  parler. Nous n’avons pas encore mis en place la table des négociations. Nous pensons vingt-quatre heures sur vingt-quatre  à la façon dont nous allons relever le défi  de parvenir à   un accord final et de commencer  la construction  de la paix en Colombie. Nous ne sommes pas des politiciens de bureau, beaucoup de gens aiment bien cela, nous avons une autre façon de voir et de comprendre la politique. Le système électoral traditionnel ne nous séduit pas et encore moins sous la forme qu’il prend en Colombie, car pour arriver au parlement, si vous n’avez pas  un ou deux milliards de pesos, vous n’y accèderez pas. Imaginez que ceux qui y siègent, font pour la plupart d’entre eux l’objet d’une inculpation (il y en a même qui sont en prison) en effet,  la corruption  de ce parlement colombien est édifiante. Il en va de même avec les gouvernements locaux et les mairies. Les classes dirigeantes sont en effet toutes corrompues, et ont abusé d’un peuple qui est bon, simple et travailleur.
 
Pensez-vous  qu’il aurait mieux valu compter sur la présence de l’ELN à ces tables de négociations qui vont démarrer ?
 

Nous avons déjà fait une expérience avec eux dans la  Coordination de la Guérilla Simon Bolivar. A Tlaxcala, il y avait l’ELN, L’EPL et nous aussi. Malheureusement, cela n’a rien donné. Avec l’ELN, nous avions eu auparavant quelques désaccords, cela au moins c’est fini, et nous sommes sur la voie  d’un processus d’unité assez avancé. Nous démarrons ce processus avec le gouvernement séparément mais de toute façon, nous avons toujours dit que les portes sont ouvertes pour une union, mais l’ELN étant une organisation souveraine, ils peuvent faire leur propre expérience. Si dans l’avenir nous pouvons être d’accord, ce serait très intéressant que nous nous asseyons à la même table.
.Qu’en est-il de l’idée que vous avez émise de la participation de Simon Trinidad à la table des discussions?
 

C’est un point que nous soumettons à la table du  dialogue. Il existe déjà des expériences, Mandela est resté 7 ans en prison et de là, il a réussi à avoir une influence importante pour mettre fin à l’A
apartheid. Simon est condamné pour des faits qui l’accusent mais tout le monde sait qu’il s’agit d’un montage et d’une vengeance seulement pour son appartenance aux FARC. Nous pensons qu’il doit  être à la table des discussions et nous nous battrons pour cela. Nous suggérons que les USA, pour réparer le si grand mal causé, ont le devoir de faciliter les choses, et ce serait une manière de le faire, en permettant sa présence aux négociations..
 
Quand on envisage ce type de négociations, certains mots-clé comme “réconciliation”, “réparation”, « commission de vérité” ressurgissent toujours. Qu’en pensez-vous par rapport au processus qui va débuter ?
 

Nous croyons qu’en Colombie, il peut y avoir un gouvernement de reconstruction et de réconciliation nationale. Cela peut se produire à un moment donné, cependant nous ne nous laissons pas abuser par des parlotes creuses et nous n’avons nul  besoin non plus de copier les autres. Ici, il  y a eu une guerre, si le gouvernement est politiquement disposé  à y mettre fin, nous y sommes prêts, nous pouvons même faire  des projets dans de nombreux domaines. Chaque conflit a ses particularités et le conflit colombien  particulièrement. Tous ces problèmes que vous posez, seront traités  tout au long des discussions au moment voulu.
 
Ces dernières années, plusieurs de vos camarades du Secrétariat sont morts au combat, suite à l’offensive de l’armée. Quelles répercussions ces morts ont-elles eu sur votre lutte ?
 
Les camarades tombés au combat restent  présents dans chaque action des femmes et des hommes des FARC. Dans chacun de nos camps, nous mettons leurs portraits et nous les évoquons  chaque soir pendant nos activités culturelles. Ils ont été nos guides, nos maîtres, ce sont des personnes uniques qui ont tout offert pour la paix en Colombie. Ce sont des hommes qui ne se sont jamais soumis et ont su voir au-delà de ce que nous voyons maintenant et dont l’image ne cessera  de grandir. Ce sont des véritables héros pour la Patrie. Il faudra à un moment donné, leur montrer de la reconnaissance comme ils le  méritent. Dans de nombreux pays dans le monde, il en a été ainsi, on poursuit les gens, on les emprisonne, on les dénigre,  et après, quand la situation change, il se trouve qu’ils étaient porteurs de la vérité historique, qu’ils ont donné toutes leurs forces pour changer la réalité d’humiliations que vivait leur pays.

A votre avis, comment vont réagir les femmes colombiennes par rapport à ces conversations de paix, ces femmes qui sont des mères, qui sont des filles de guérilleros comme vous ou encore ces autres femmes de la société colombienne qui ont subi la violence toutes ces années?
 

 Les femmes et le peuple entier, ont accueilli  cette information avec beaucoup de joie. La première enquête montre que 80% du peuple colombien est en faveur de la paix. Quand nous nous sommes réunis en février pour la première fois avec le gouvernement, ces derniers disaient  pratiquement que le pays voulait une guerre, qu’ils nous détestaient et nous, nous leur disions, non, Messieurs, c’est la paix qui prédomine en Colombie et  c’est vous qui avez une vision complètement faussée des choses. Maintenant, ils ont dû nous donner raison et si les choses marchent, cela va être encore plus fort, et de nouveaux acteurs s’intègreront, non seulement dans la société colombienne mais également de l’extérieur. Vous voyez que le Pape a soutenu les dialogues de paix, ainsi que les Nations unies ou l’Union Européenne, la présidente d’Argentine, Cristina Fernandez et celle du Brésil. Pourvu que ceux    d’entre nous qui ont la responsabilité de mener à bien ce processus, nous puissions accomplir la mission qu’on nous a confiée.
 
 Le socialisme est-il toujours votre objectif?
 
Évidemment, il s’agit du seul système qui peut sauver la planète. Nous nous sommes battus pour le socialisme, les armes à la main, parce qu’on ne nous a pas laissés le choix.

Nous nous acheminons, indéfectiblement, vers une prise du pouvoir par le peuple. Nous n’avons jamais caché cela. Soit on nous permettait de faire de la politique pour faire connaître nos idéaux et atteindre nos objectifs par la voie légale, soit on nous barrait la route avec violence  comme ils l’ont fait tout ce temps-là. Nous ne renions pas notre appartenance au socialisme. Ce sont les peuples qui font les révolutions et nous faisons partie du peuple. Nous pouvons essayer d’organiser militairement notre peuple mais nous pouvons tout aussi bien l’organiser politiquement. A condition que l’on respecte la vie de ces personnes que nous organisons politiquement. Ce que nous ne pouvons revivre, c’est l’histoire de l’Union Patriotique, le plus grand génocide d’Amérique Latine, avec cinq mille morts, alors que nous tentions d’ouvrir un espace politique. Le prix à payer a été particulièrement lourd pour un pays comme la Colombie.

 

 

Merci à Tlaxcala
Source et vidéos de l'entretien: http://www.resumenlatinoamericano.org/index.php?option=com_content&task=view&id=3253&Itemid=5&lang=fr
Date de parution de l'article original: 01/10/2012
URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=8354

 

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