14 mai 2012
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ACIN Asociación de Cabildos Indígenas del Norte del Cauca
Traduit par Pascale Cognet | ||
Edité par Fausto Giudice فاوستو جيوديشي |
Le journaliste français Roméo Langlois a disparu au cours d’un affrontement entre l’armée et la guérilla des FARC dans la zone de l’Unión Peneya, dans le département du Caquetá, où, selon la version officielle, se menait une opération antidrogues. Roméo a aussi parcouru le territoire du Cauca.
Toujours accompagné de sa caméra vidéo, son précieux outil de travail, il a suivi les communautés indigènes, afrodescendantes et paysannes de ce territoire. Il a fait entendre la voix et fait connaître la présence de ceux qui n’ont pas eu la parole et ont été persécutés depuis des années. Il a rendu visibles leurs luttes, leurs douleurs et leurs projets de vie.
En 2008, avec la Garde indigène, il a parcouru les fractions d’ El Damian et de La Maria, sur le territoire de la réserve indigène de Tacueyó dans le nord du Cauca, alors que se déroulait un des nombreux affrontements qui ont eu lieu là, entre la guérilla et l’armée, au cours duquel un garde indigène fut assassiné. Il filmait les actions mortifères d’un côté et de l’autre, mais l’œil de sa caméra ne se contentait pas de montrer des faits qui sont devenus quotidiens et banals mais son objectif rendait visibles les actions en faveur de la défense de la vie menées par la Garde Indigène. Il montrait la volonté désespérée des autorités indigènes et l’exigence anxieuse de respect des habitantes et habitants des communautés qui ont été les témoins impuissants de l’absurdité de la guerre. Au milieu des balles et des bombes, Roméo Langlois, au-delà du sensationnalisme ou de la recherche du scoop ,n’a pas hésité à mettre son outil de travail au service de la communauté , pour montrer au monde les souffrances des victimes et les actions des véritables héros qui défendent la vie avec pour toute arme le dialogue et les bâtons de commandement. Roméo donna comme titre «Tant que brillera le soleil » à son documentaire qui révèle la lutte valeureuse pour la défense de la vie menée par la Garde indigène. Les images de ce documentaire, qui sont le reflet de cette inlassable lutte des peuples, ont fait le tour du monde.
En 2011, Roméo revint à nouveau dans les communautés du Cauca. Avec sa caméra, il parcourut les berges de la rivière Mondomo, qui délimité la municipalité de Santander de Quilichao et le hameau de Mondomo, avec la Garde indigène, les autorités et la communauté du conseil de Las Mercedes et de la Laguna Siberia regroupés dans l’association des conseils Sat Tama Kiwe de Caldono, Cauca. Cette fois, l’œil de sa caméra s’est attaché à montrer les actions de défense intégrale de la Terre Mère. Actions réalisées par la communauté Nasa du Sat Tama Kiwe, qui de façon pacifique et déterminée, ont délogé les excavatrices et le parc de machines que la convoitise d’étrangers, à coup de mensonges et de tromperies, a amené sur le territoire indigène afin d’en extraire l’or qui gît dans ses entrailles.
C’est pour cette raison que, nous, communautés indigènes du Cauca, réaffirmons que Roméo Langlois a porté la parole des peuples grâce à ses images et conformément à son engagement éthique de dire la vérité, il a permis que la voix et la lutte infatigable pour la vie , se répandent et soient connues à travers divers espaces.
Aujourd’hui, nous sommes profondément inquiets de ne rien savoir de concret sur l’endroit où se trouve Roméo Langlois. Initialement, les médias officiels ont fait mention de sa disparition avec cinq hommes en uniforme. Cependant, Simone Bruno, journaliste, compagnon, ami de nos peuples et de Roméo, son camarade de travail a remis en cause cette version, affirmant que s’il avait disparu, on l’aurait retrouvé avec les 5 militaires également portés disparus. On présume que Roméo Langlois a pu être retenu par les FARC. Un soldat a mentionné qu’il était blessé au moment de sa disparition. Les versions fluctuent.
Pendant que le gouvernement colombien affirmait qu’on ne pouvait confirmer qu’il avait été séquestré par les FARC, le ministre français des Affaires Etrangères Alain Juppé disait que le journaliste était l’otage de la guérilla. Qu’en est-il maintenant de la situation réelle de Roméo ? A deux jours de la commémoration de la journée de la liberté de la presse, (le 3 mai a été proclamé journée mondiale de la liberté de la presse par l’Unesco) l’ironie du sort veut qu’on ait fait taire la voix de Roméo Langlois. Le 3 mai ne peut continuer à être la date de commémoration de la mort et du silence.
Cette date doit être un hommage aux nombreux journalistes qui à travers le monde, par décision professionnelle, conviction ou engagement éthique, comme Roméo, mettent en danger leur vie au service de l’accomplissement du devoir de faire connaître la vérité. Si Roméo a été capturé par les FARC parce qu’il était avec un groupe de militaires, nous espérons qu’ils respecteront sa vie et prendront soin de lui. Mais surtout, qu’ils le remettent en liberté, parce que sa vie et son travail sont indispensables à la liberté des peuples. Nous offrons avec sincérité tout ce qui est en notre pouvoir pour l’accompagner et l’aider.
De la même façon, il est contradictoire et choquant au moment où l’on célèbre la journée internationale du travail que l’exigence digne de ce droit de ceux qui réclament la justice soit la cause de la mort. Daniel Aguirre, un homme simple et digne comme tous ceux qui luttent, coupeur de canne de la sucrerie du Cauca, a été assassiné pour avoir simplement exigé le respect. Il était le secrétaire général du Syndicat national de coupeurs de canne (Sinalcorteros) et membre de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT). Daniel avait fondé le Sinalcorteros en 2005. Il dirigea la lutte des coupeurs de canne au cours de la grève historique de 2008 avec le Syndicat national des travailleurs de l’industrie alimentaire (Sinaltrainal) et la CUT Valle. Lutte que nous avons connue et accompagnée et dont le pays tout entier se souvient comme d’un exemple de dignité et de force. Parce qu’il en assumait le leadership, au cours de cette lutte pour sortir les coupeurs de canne de l’esclavage, Daniel avait été menacé à plusieurs reprises. Les pourvoyeurs de la mort au service des cupides lui ont ôté la vie parce qu’ils méprisent et craignent la dignité.
Nous, communautés indigènes du Cauca, rejetons, condamnons et n’acceptons pas que ceux qui font circuler la parole de la vie et permettent de faire connaitre la vérité, soient maintenant les victimes de ce qu’ils ont dénoncé. On ne peut plus faire taire la vérité, on ne peut plus étouffer la parole de la vie en semant la mort. Notre décision de défendre la vérité et la vie est ferme : nous exigeons le respect de l’intégrité et de la liberté de Roméo Langlois et nous réclamons justice pour l’assassinat de Daniel Aguirre. Les promesses de paix ne peuvent être des mots vides et des actes contradictoires pendant que la mort sélective, préméditée au service d’intérêts puissants poursuit ses plans d’extermination afin de nous soumettre. On a assassiné Daniel, comme toutes et tous les dirigeants, selon un agenda de la terreur dont le résultat doit être la soumission et la destruction de la mémoire de lutte pour la justice.
Roméo, nous t’accompagnons sur ton chemin maintenant comme une fois tu nous as accompagnés et tu as fait connaître notre chemlinement et notre lutte. Tu es un tisserand pour la vérité et la vie, tu es un nœud de notre tissu. Tu as amplement mérité ce droit. Ton sort est le nôtre. Nous demandons aux esprits de la nature de te donner force et sagesse, nous demandons à la Terre Mère de te ramener aux tiens sain et sauf.
Au moment de diffuser ce communiqué, arrive la nouvelle qu’une femme identifiée comme guérilléra du 15 ème front des FARC aurait contacté Noticias Uno pour annoncer que Roméo était aux mains de cette organisation en qualité de prisonnier de guerre parce qu’il portait des vêtements militaires. Selon cette version, il a été pris en charge et se trouve en bonne santé. Pourvu que cette version soit avérée et que la vérité ne soit pas manipulée à des fins de guerre .Roméo est un journaliste qui défend la vérité. Par respect pour son travail et par besoin de personnes comme lui pour parvenir à la paix en Colombie, que la vérité soit faite, qu’on donne des preuves qu’il en est ainsi et qu’il soit libéré immédiatement !
Source : Tlaxcala
Trailer de Tant que brillera le soleil , de Roméo Langlois