Félix Lopez, Granma
SIX ans après son lancement, qui ont marqué la différence face de tant de charogne médiatique, la chaîne pluriétatique TeleSur est devenue une référence éthique de la télévision latino-américaine. En exclusivité pour Granma, la journaliste Patricia Villegas, sa présidente, évoque les missions, les défis et l’avenir de ce projet, né à la chaleur de l’intégration bolivarienne.
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Le 24 juillet 2005, à l’occasion de l’inauguration de TeleSur, le président Hugo Chavez a déclaré : « Nous avons déjà mis le premier but. C’est une chaîne pour l’intégration. Je crois que le défi pour qu’elle soit en harmonie avec l’âme et l’esprit des peuples, c’est de s’accrocher à la vérité, seulement la vérité ». Comment avez-vous assumé cette responsabilité tout au long de ces six années ?
C’est non seulement un engagement journalistique, mais aussi un principe de vie. Et cela depuis le premier jour, pour nous qui travaillons à TeleSur. Ici nous disons aux journalistes « Va chercher la vérité. » C’est la mission que nous avons donnée au journaliste Jourdain Rodriguez quand il est parti pour la Libye, sans même avoir l’assurance qu’il entrerait dans ce pays. La vérité fait partie aujourd’hui du patrimoine de TeleSur.
Outre le fait d’être un projet authentique de diffusion culturelle, TeleSur a été conçu comme un contrepoids à l’empire médiatique des grandes chaînes internationales d’information : Jusqu’où avez-vous réussi à escalader ce Chimborazo (volcan) médiatique ?
C’est une expédition permanente. Un travail constant. Nous avons des exemples d’histoires, de reportages, de documentaires qui ont présenté non pas « une vision différente » de l’information, mais l’information elle-même. Par exemple, le coup d’État au Honduras serait apparu comme une « succession » présidentielle si une caméra de TeleSur et une équipe de techniciens et de journalistes de TeleSur ne s’étaient pas trouvés sur place. Et plus près dans le temps : alors que le monde entier prétendait que Kadhafi bombardait son peuple à Tripoli, nous montrions des images d’enfants jouant au foot dans cette ville. C’est le contrepoids au discours dominant. C’est pour cela que nous dérangeons, que nous perturbons, et que nous sommes attaqués.
Sans doute, les couvertures réalisées pendant le coup d’État au Honduras et la guerre impérialiste contre la Libye ont signé la majorité de TeleSur : quelles expériences tirez-vous de cet exercice éthique et quel avenir entrevoyez-vous, après cette première étape ?
Ces expériences indiquent que TeleSur doit non seulement couvrir notre région, mais devenir une véritable référence éthique de journalisme dans le monde entier. Cela accroît notre mission et implique que nous fassions non seulement un journalisme de télévision, mais aussi que nous utilisions toutes les plates-formes de la communication pour développer notre travail et multiplier la distribution des contenus. En ce moment même, nous envoyons une équipe en Somalie pour couvrir la situation de famine, mais aussi pour enquêter sus ses causes. Nous faisons des reportages sur la marche des Indignés espagnols, et prochainement nous présenterons un projet de reportages courts sur la pauvreté aux États-Unis, avec pour titre Le cauchemar américain. Nous travaillons également avec l’agence Prensa latina pour augmenter notre présence à Pékin, à Moscou, au Caire, et à Brasilia … L’horizon est infini, et notre responsabilité immense.
Lancer une chaîne de télévision qui s’identifie aux processus sociaux latino-américains implique une équipe de professionnels et de techniciens en harmonie avec les peuples. Comment êtes-vous parvenus à monter l’équipe de TeleSur dans un contexte continental qui forme des professionnels au service du marché ?
Dans ce domaine, la lutte a été difficile. Comme disait Che Guevara : « Nous sommes tous des enfants de la communication ». Et pourtant TeleSur s’est installée et assure actuellement un projet d’école, de formation continue : diplômes, cours, professeurs dans la salle de rédaction et perfectionnement permanent de nos techniciens.
Nous avons formé des professionnels pour que notre télévision n’ait rien à envier aux grandes chaînes. Notre équipe peut rivaliser dans le fond et dans la forme et faire que notre chaîne soit attractive, mais aussi chargée de contenu. Nous sommes différents dans l’engagement et par l’esprit que nous mettons dans ce projet.
C’est un fait que la création de Telesur a entamé l’hégémonie de CNN en espagnol en Amérique latine : en quoi avez-vous tenté d’être différents ?
Nous avons décidé d’employer les ressources audiovisuelles utilisées dans le monde entier, en pariant sur le contenu. Nous essayons d’être différents dans ce que nous racontons, comment nous le racontons et quand nous le racontons. Nous ne négligeons aucun genre journalistique. Nous avons un défi : faire de plus grands efforts dans le domaine du journalisme d’investigation et traduire, chaque jour un peu plus, la complexité d’un citoyen latino-américain, qui aujourd’hui continue de se battre pour vivre mieux, pour avoir une patrie.
Pour finir : quelle est la stratégie de TeleSur dans la recherche d’une plus grande audience ? Jusqu’où vous proposez-vous d’arriver ?
Jusqu’au plus petit recoin du monde. TeleSur doit être un événement quotidien. Nous continuerons d’abattre les barrières pour que notre chaîne atteigne le plus grand nombre de pays. Nous avons devant nous le chemin fascinant vers la télévision HD (haute définition). Développer notre page Web (www.telesurtv.net) et les réseaux sociaux. Ce semestre, nous commençons à distribuer nos contenus en anglais et en portugais dans les réseaux et dans le service multimédia de la chaîne.
C’est déjà beaucoup, même s’il reste beaucoup à faire. Il y a six ans, le président Hugo Chavez disait de la naissance de TeleSur qu’elle était comme « le premier but médiatique de l’intégration ». Depuis lors, jour après jour, comme dans un match de foot, nous sortons sur le terrain pour gagner la partie.