"Chavez est devenu un vrai leader en Amérique latine"
Coordinateur de l'ouvrage "Cuba, 50 ans de révolution", Hernando Calvo Ospina défend le bilan de Fidel Castro et évoque son héritage
Alors que Cuba vient de fêter les 50 ans de la révolution, Hugo Chavez a remporté dimanche un nouveau referendum populaire lui permettant de se représenter en 2012 Revendiquant ouvertement l'héritage de Fidel Castro, le président vénézuelien est considéré par certains comme le nouveau leader de l'Amérique latine.
Comment avez-vous choisi les textes qui composent l'ouvrage ?
J'ai choisi pour ce livre quelques textes peu connus de Fidel Castro, de son frère Raul ou encore de Camilo Cienfuegos. Certaines photos sont également inédites. Mais j'ai aussi donné la parole à des personnalités comme Manu Chao, Danny Glover et même Pierre Richard qui ont un contact direct ou indirect avec Cuba. Il y a un texte assez émouvant du père de Manu Chao, Ramon, qui raconte comment sa grand-mère tomba enceinte du maître pour lequel elle travaillait à Cuba, victime du droit de cuissage qui prévalait à l'époque , au début du XXe siècle. Quant à Danny Glover, il dénonce l'embargo imposé par les Etats-Unis depuis plus de quarante ans.
Comment expliquez-vous le parti pris généralement défavorable de la presse occidentale à l'égard de Cuba ?
Outre les Etats-Unis et surtout Miami (où vit une importante communauté d'opposants, ndlr), l'Espagne et la France se distinguent par cette rage et cette haine qu'expriment la plupart des intellectuels à l'égard de Cuba. C'est un retournement de situation par rapport aux années 1960, époque à laquelle Cuba bénéficiait d'un certain soutien de leur part. Aujourd'hui, et c'est un cas particulier, presque toute la presse, jusqu'au journal l'Humanité, se contente de critiquer le régime. La majorité des détracteurs ne sont d'ailleurs jamais allés sur place et ne connaissent rien des évolutions de la situation sur l'île. Il y a eu des erreurs, bien sûr, et des manquements au cours de la Révolution mais on ne peut pas ignorer les aspects positifs de la politique cubaine : tout le monde est éduqué et soigné gratuitement. Et la société change aussi : au début, les mentalités étaient très machistes et les homosexuels comme les hippies étaient rejetés. Aujourd'hui à Cuba, un transsexuel bénéficie gratuitement de tout l'accompagnement médical et psychologique nécessaire à sa transformation.
L'arrivée de Raul Castro a-t-elle changé la donne ?
Raul est très différent de Fidel. C'est un militaire, très pragmatique qui n'aime pas les grands discours comme Fidel. Il sait déléguer et contrairement à son frère, qui n'a vécu que pour cette Révolution, Raul a aussi une famille qui lui permet de prendre conscience de certaines attentes de la jeunesse.
Justement, la jeunesse qui n'a pas participé à la Révolution n'est-elle pas en décalage avec ceux qui l'ont vécue ?
Le problème vient de la situation économique de l'île, très tendue. L'embargo américain toujours en cours n'arrange pas les choses. Et comme l'Etat donne tout, c'est vrai que les gens ont tendance à tout attendre de l'Etat. Chaque enfant naît avec l 'éducation et la santé données gratuitement. Mais les jeunes veulent aussi des jeans et des adidas. Cela dit, au sein du parti, on trouve toute la nouvelle génération avec, notamment, de nombreuses femmes. Même sans Castro, la Révolution a de beaux jours devant elle.
Que pensez-vous du problème des prisonniers politiques pointé du doigt par plusieurs ONG ?
Le problème, c'est qu'on ne dit jamais qui sont ces personnes emprisonnées. Beaucoup sont payés par des ambassades étrangères pour contrer la Révolution quand ils ne travaillent pas tout simplement pour les Etats-Unis. On brandit toujours ce sujet sur Cuba sans du tout évoquer la répression, les meurtres, les disparitions et l'insécurité chronique qui sont monnaie courante dans certains pays voisins comme le Honduras, le Guatemala, le Salvador ou encore le Mexique. Etre syndicaliste, prêtre, magistrats ou simplement une femme, dans certains pays d'Amérique latine, c'est être en danger.
La dernière victoire d'Hugo Chavez au Venezuela en fait-elle le nouveau leader en Amérique latine ?
Oui, on peut dire qu'après Castro et Allende, Chavez est devenu vrai leader en Amérique latine. Il a remporté toutes les élections jusqu'à présent. Isolée pendant des années, seule contre les Etats-Unis, Cuba bénéficie aujourd'hui d'un appui incroyable dans la région avec le Venezuela mais aussi la Bolivie, le Nicaragua, etc. Des médecins et des ingénieurs cubains interviennent partout dans le monde. Et l'Amérique latine, c'est vrai, a vraiment pris un tournant.
"Cuba, 50 ans de révolution. Hasta la victoria siempre !", éd. Le Temps des Cerises, 18 euros
Journaliste et écrivain, Hernando Calvo Ospina est également l'auteur de "Colombie, derrière le rideau de fumée. Histoire du terrorisme d'Etat", éd. Le Temps des Cerises
Propos recueillis par Claire Cousin
Metrofrance.com