Vous avez déjà vu un hamster en cage ? Mignon, n’est-ce pas ? Tout petit, j’étais fasciné devant le spectacle d’un hamster courant dans l’inévitable roue qui garnissait sa cage. Il faut bien dire qu’il n’avait pas grand chose d’autre à faire, le pauvre. Il faut dire aussi que les choses ne se sont guère arrangées pour lui depuis l’instauration des 35 heures. Bref, il courait, courait le hamster derrière une hypothétique médaille d’or de l’ennui carcéral.
Il fallait être un humain doué d’une intelligence supérieure pour s’apercevoir qu’en réalité l’hamster faisait du sur-place. Et comme j’étais justement doué d’une telle intelligence, je suis rapidement arrivé à la même conclusion, agrémenté d’une opinion - un peu péremptoire, certes, mais j’étais /tout petit/, rappelez-vous. Et cette opinion à l’époque était la suivante : "/il n’y a rien de plus con qu’un hamster/".
Il m’a fallu un certain temps - le temps de frotter ma peau burinée contre le revêtement anti-adhésif des casseroles médiatiques - pour comprendre à quel point j’avais tort. En réalité, il existait bien un être encore plus con qu’un hamster et j’hésite encore à vous révéler son identité. Mais j’en ai déjà trop dit, ou pas assez, alors tant pis, je vous le dis : plus con qu’un hamster, il y avait moi.
Non, je vous en prie. Epargnez-moi vos consolations maladroites, votre condescendance humiliante, vos justifications déplacées, votre sympathie à retardement... Jugez plutôt sur pièces : j’ai longtemps admis sans sourciller l’idée - sans cesse rabâchée, martelée, imposée - que "/La liberté de la presse est le meilleur garant de la démocratie/". Message subliminal colporté aujourd’hui par cette officine de bras cassés qui se nomme Reporters Sans Frontières.
<Robert-Menard-confirme-RSF-est-bien-finance-par-Bush.html>
J’adore décortiquer ces idées qui traversent la société comme une colonne de GI’s traverse le désert Irakien : droit devant, sans poser de questions. Les formes sombres calcinées sur le bas-côté de la route ne sont jamais interviewées. Dommage pour eux. Dommage pour nous.
En vérité, "/La liberté de la presse est le meilleur garant de la démocratie/" sonne comme une injonction divine. Son apparente évidence paralyserait et laisserait sans voix même le plus déjanté des commentateurs sportifs brésiliens. C’est vous dire si le travail de critique est rude, politiquement incorrect et risqué. D’où mon empressement à le faire.
Ce n’est d’ailleurs pas tellement que j’aurais changé, c’est juste que je viens de m’en rendre compte. Et n’allez surtout pas croire que j’aurais soudainement décidé de couper les cheveux des mouches en quatre. Si chaque mot à son importance, et je le crois, nous sommes en présence ici d’une arnaque intellectuelle de première grandeur qui, comme toutes les idées similaires, projettent un écran de fumée sur la réalité des choses et participent au maintien d’un statu quo qui convient à une petite minorité. Après tout, "/les idées (prétendument) dominantes d’une époque ne sont (jamais) que les idées (imposées) de la classe dominante de l’époque/" disait - de mémoire - un barbu marxiste. Les mots entre parenthèses ont été rajoutés par mes soins, histoire de me donner aussi une petite dimension historique.
Procédons d’abord à une petite analyse de texte : "/La liberté de la presse est le meilleur garant de la démocratie/" disent-ils. On aurait pu dire "/La liberté des journalistes/..." (les individus), mais on dit "/la liberté de la presse/" (l’industrie). Nuance subtile mais ô combien importante pour l’inconscient collectif. Selon Serge Halimi, "/L’information est devenue un produit comme un autre. Un journaliste dispose d’à peine plus de pouvoir sur l’information qu’une caissière de supermarché sur la stratégie commerciale de son employeur/."
Alors gardons le parallèle et énonçons une nouvelle "vérité évidente" à la manière de RSF : "/La liberté de la grande distribution est le meilleur garant des consommateurs/". Et là, du coup, plus personne ne rigole. Et que dire de ceci : "/La liberté des promoteurs immobiliers est le meilleur garant des locataires/" ? Et là, du coup, vous êtes bien pâle. J’aime bien aussi celle-ci : "/La liberté des patrons est le meilleur garant des travailleurs/". Et là, du coup, vous êtes au chômage.
En déclinant les exemples, l’absurdité de la chose prend toute son ampleur.
Oui, je sais, on me rétorquera que je joue sur les mots, que "/liberté de la presse/" n’est qu’une manière comme une autre de dire "/liberté des journalistes/". Je pense que non. A l’heure où l’attrait du libéralisme (économique) bat de l’aile partout dans le monde, il devient essentiel de sauvegarder la mainmise sur ses moyens de propagande. Sous un pseudo-défense de la démocratie, on voudrait nous faire croire que la liberté (de fusionner, de se vendre comme un paquet de lessive, de se multinationaliser et même de nous mentir) de la presse serait un garant de nos libertés. Comme par hasard, les dernières lois états-uniennes de réglementation des médias (des lois de "/non-liberté de la Presse/") viennent d’être abrogées aux Etats-Unis par une administration qui a déjà largement démontré son attachement à la démocratie, n’est-ce pas ? Et pour quels résultats ? Les plus grands "fournisseurs d’informations" de la planète (i.e. les médias états-uniens) sont à présent l’objet d’OPA sauvages, de méga-fusions, de prises de contrôle réciproques... Et pour quel(s) résultat(s) ?
Bon, admettons que je joue sur les mots. Alors nous dirions "/La liberté des journalistes est le meilleur garant de la démocratie/". Ah bon ? Etrange chose que d’affirmer que le meilleur garant de la démocratie soit la liberté d’une catégorie socioprofessionnelle, et d’une seule, fusse-t-elle journalistique. Pourquoi pas "/La liberté des travailleurs sur leur lieu de travail est le meilleur garant de la démocratie/" ?
Le ridicule de la chose atteint son comble lorsque RSF défend les médias monopolistiques et ouvertement putschistes du Venezuela - sous prétexte que Chavez aurait froncé des sourcils à l’encontre de ceux qui ont tout fait pour éliminer un président démocratiquement élu et respectueux de la constitution de son pays. Encore plus ridicule lorsque la même RSF s’abstient (refuse) de défendre les seuls journalistes en prison au Venezuela (emprisonnés par des forces antichavistes), à savoir ceux des médias communautaires... Mais il est vrai que ces derniers n’étaient pas au service de "/la presse/"... Ils n’étaient au service que de /l’information/. Nuance.
Alors où commence et où s’arrête cette fameuse liberté de la presse ? La liberté de la presse inclut-elle les appels au coup d’état ? La liberté de la presse inclut-elle la liberté des journalistes de se faire rémunérer par une puissance étrangère dans le but de renverser le gouvernement de son pays ? La liberté de la presse inclut-elle le silence ? La liberté de la presse inclut-elle la censure ? La liberté de la presse inclut-elle la monopolisation des médias par une minorité ? La liberté de la presse inclut-elle le foutage de gueule quotidien qu’on nous impose au journal de 20 h sur les chaînes nationales payées avec l’argent des contribuables ?
En réalité, la liberté de la presse n’est que la liberté des propriétaires des moyens de communication. Je ne suis pas convaincu que nos intérêts respectifs soient partagés.
Et qu’ils ne viennent pas me casser les pieds pour quelques (rares) véritables informations sur la guerre en Irak ou sur certaines réalités autour de Bush. J’affirme que sans Internet, et la pression forcément exercée par la base qui veut savoir, comprendre, la "presse" (celle qui s’admire et se congratule tant) n’aurait pas bougé le petit doigt... Et oui, c’est la "démocratie" de l’Internet qui a - un peu - sauvé notre droit à l’information.
Non, ce n’est pas la liberté des journalistes encartés, encore moins celle de "la presse", qui est importante. C’est qui est important, c’est la liberté /d’informer/, et ce n’est pas la même chose. Ce qui nous amène directement à la "/possibilité/" de s’informer. Et oui, à quoi sert la "/liberté/" de s’informer sans la "/possibilité/" de s’informer ? Nous y voilà. Car c’est justement cette liberté-là qui est désormais mise en danger par la presse elle-même. Celle qui est censée être le meilleur garant de la démocratie.
"/Si tu n’es pas pour la liberté de la presse, tu es donc pour la censure ?/". Ha, ha, ha. Je l’attendais celle-là. Merci de m’avoir posé la question. Elle est bien bonne car ça fait une heure que je dis le contraire. Le problème est le suivant : que se passe-t-il lorsque la censure - ou la non-information - est le fruit de la presse elle-même ? C’est d’autant plus vrai que le contraire de "/liberté/" n’est pas "/censure/" (comme certains voudraient nous le faire croire), mais "/contrôle/". Contrôle qui par ailleurs existe déjà : celui exercé par les actionnaires des sociétés de presse. C’est pourtant simple : le contrôle /de facto/ de l’information par une minorité n’a rien à voir avec la démocratie.
Soyons clairs. Je ne demande pas que l’on censure les propos du président des Etats-Unis. Je réclame simplement le droit d’être informé aussi sur ceux de Fidel Castro - par exemple. Je ne demande pas que l’on empêche tel ou tel journaliste de s’exprimer à une heure de grande écoute, je remets en cause le droit régalien arrogé par celui-ci pour occuper tous les soirs le petit écran. Quoi ? Il n’y aurait donc personne d’autre dans ce foutu pays pour nous informer avec, disons, un éclairage différent ?
"/T’as qu’à changer de chaîne/". D’accord. "/T’as qu’à acheter un autre journal/". OK. Déjà entendu. Je l’ai fait. Résultat : je ne regarde plus la télé et je ne lis plus les journaux. Et pour vous dire la vérité, j’en suis arrivé au point de cultiver ce petit espoir secret : que nous soyons de plus en plus nombreux à laisser tomber ces abrutis et qu’ils crèvent comme ils ont vécu : par et pour l’argent. Je plaisante. Un peu.
Alors que diriez-vous de la phrase suivante : "/la possibilité de s’informer est le meilleur garant de la démocratie/". C’est déjà mieux, non ? Cela induit beaucoup de choses. Par exemple, qu’une véritable démocratie ne saurait exister sérieusement sans une démocratisation de la presse. La liberté de la presse ne garantit aucunement la démocratie. La presse ne fait au mieux que refléter l’état de la démocratie. Il arrive même que la presse soit le principal prédateur de la démocratie. L’histoire du Chili, du Nicaragua et (presque) du Venezuela nous le montre. Et ce ne sont que quelques exemples pris au hasard dans ma mémoire.
Vu sous cet angle là, les Cubains, par exemple, qui lisent Granma et reçoivent /aussi/ une vingtaine de radios états-uniennes ont plus de possibilités de s’informer qu’on voudrait nous faire croire. On peut d’ailleurs constater tous les jours que les Cubains sont globalement mieux informés que le quidam moyen de nos propres contrées... Oh doux paradoxe des temps modernes où le premier venu d’une "dictature féroce" du tiers-monde connaît mieux la marche du monde que le premier parvenu du Texas.
Et personne ne semble avoir remarqué que si la presse cubaine ne dit pas tout, c’est vrai (existe-t-il d’ailleurs une presse qui "dit tout" ?), on ne l’a jamais encore prise - à ma connaissance - en flagrant délit de mensonge. Oh autre doux paradoxe des temps modernes : la presse "contrôlée" d’une "dictature féroce" du tiers-monde ne dit pas tout mais ne ment pas, tandis que la presse "libre" de chez nous dit tout et n’importe quoi et ment assez souvent...
Personne n’est parfait.
Défendre la liberté de la presse, c’est défendre une industrie. Défendre le droit à l’information, c’est défendre une idée. Idée mise à mal justement par l’industrie de l’information elle-même. Alors ne nous trompons pas de combat, comme certains nous y invitent...
Si s’informer est un droit pour tout citoyen, alors informer est un "/devoir/" pour la presse, pas une "/liberté/".
Alors, à moins de jouer aux hamsters dans la petite roue de Reporters Sans Frontières et autres barons de l’industrie médiatique, ce n’est pas la liberté de la presse qui est le meilleur garant de la démocratie, c’est la (véritable) démocratie qui est le meilleur garant de la liberté (réelle) de la presse.
Ne leur en déplaise, la "liberté de la presse" a bien des limites. La Liberté de la Presse s’arrête exactement là où commence Mon Droit à Une Véritable Information.
Vous pouvez me citer.
*Viktor Dedaj*
"défenseur des messes laborieuses" Aout 2004.
*Viktor Dedaj* est le webmaster de *C*uba *S*olidarity *P*roject <http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/> et vient de publier (septembre 2005) avec Danielle Bleitrach et Maxime Vivas /Les États-Unis DE MAL EMPIRE Ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud,
<http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/?article170>/Aden.
<http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/?article170>
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Victor Hugo a pris parti pour Cuba, dans des textes admirables en faveur des femmes cubaines et pour fustiger l’armée d’occupation espagnole pendant qu’en Europe il portait le fer rouge de ses vers au front de l’injustice.
Le poète a su associer son talent d’écriture, ses dons de visionnaire et ses penchants humanistes pour bâtir, dans cette complétude humaine, une œuvre par cela frappée du sceau du génie.
On découvrira ici qu’avec lui, des dizaines d’autres Français glorieux ont tissé des liens indéfectibles entre la France et Cuba.
Existe-t-il des liens entre Cuba et : Stéphane Mallarmé, Jo Dassin, Sarah Bernhardt, Gustave Flaubert, Rouget de Lisle, Robert Desnos, Hector Berlioz, Henri Barbusse, Paul Lafargue, José-Maria de Hérédia, Honoré de Balzac, Charles Baudelaire, Alphonse de Lamartine, Alfred de Musset, Théophile Gautier, Alfred de Vigny ?
Comment s’appelait ce Cubain devenu maire de Paris ? Et ce Français qui a été le premier directeur de l’école des beaux-Arts de La Havane ?
Qui a construit la ville de Cienfuegos ?
Qui a tracé la première ligne de chemin de fer de l’île ?
Que devons-nous à José Marti ?
Ce petit livre répond à ces questions et apporte bien d’autres informations et anecdotes méconnues sur les liens de coopération et d’amitié qui unissent la France et Cuba depuis deux siècles.
En librairie dès le 1er septembre 2009.
52 pages. 5 euros.
L’auteur dédicacera ce livre (et d’autres) à la fête de l’Humanité les 12 et 13 septembre 2009.
L’auteur :
Il a publié dix livres : romans (dont deux ont reçu un prix), polars, essais et des nouvelles. Il écrit également pour la jeunesse, dans la presse et pour des sites Internet. Il est l’instigateur d’un recueil collectif de nouvelles au profit des sinistrés de la catastrophe d’AZF.
Ancien référent littéraire d’ATTAC-France, il intervient avec la Maison des Ecrivains, donne des conférences dans des Universités et anime une émission culturelle sur Radio Mon Païs à Toulouse.
URL de cet articleCorrespondance particulière.
Que faire de jeunes bardés d’or aux couleurs plus bling-bling que des rappeurs américains, que ces derniers même ne jugent « bons qu’à produire des éructations sans musique destinées à faire bouger les hanches et non le cerveau » ? Que faire d’un son qui détrône la timba des charts mais que toute la population cubaine écoute en boucle ? À d’autres questions insolubles telles : « À qui les voitures de luxe et les cigares après la révolution ? », Cuba a su répondre : Gente de Zona, groupe phare du regueton dans l’île, vient de signer chez Egrem, le label d’État depuis la nationalisation des autres en 1964, et le groupe remporte cette année le prestigieux Cubadisco. Pour l’oreille profane, le cubaton est un virus qui commence par faire tousser et rend le corps immobile douloureux, mais pour peu qu’on laisse la fièvre se déclarer en se levant de sa chaise, la température grimpe à un degré jamais atteint. Il y a du bal de village d’avant l’électricité quand le public s’associe au groupe pour faire les choeurs pendant toute la durée du concert. « Dans les taxis, les bars, les clubs, les concerts, il y a du regueton, et s’il n’y en a pas, les gens en réclament », dit Iraida, traductrice de Havanatour.
Le cubaton se distingue du regueton par l’absence des grossièretés d’usage. Pas d’apologie de la violence, de racisme ou de rejet primaire de la société, mais des histoires de vie quotidienne, et une exaltation du plaisir et de la fête. C’est du carnaval sur scène qui raconte sans cesse des histoires, dont la diction syncopée rappelle les voisins jamaïcains. D’où comme première idée de le rattacher au hip-hop. Mais, derrière le rythme du chant, le beat est zouk, comme le fait remarquer le pianiste Manolito : « On a amené beaucoup de mélodies et de rythmes nouveaux sur la base regueton. Du cha-cha-cha avec Orixas, de la Conga avec Asento Latina, de la rumba, du danzon avec le groupe Gente de Zona. Du son voire du songo, le rythme inventé par Los Van Van. Ce genre de fusion est un classique à Cuba : dans les années 1980, on mixait tout à notre sauce ! »
Plus fort : Juan Formell est formel : « J’ai joué du regueton dans les années 1970. » Alors est-ce le regueton qui envahit Cuba ou Cuba qui invente le cubaton ? Une chose est sûre : l’île fait fusion depuis longtemps. Cuba inspire ou respire les caraïbes et le hip-hop. Pression ou dépression ? Le souffle dans les deux sens s’annule : Cuba, c’est l’oeil du cyclone.
Même si, pour Manolito, « l’ordinateur qui fait disparaître musiciens et formations acculture la musique cubaine », tous les grands noms se conver-tissent d’une manière ou d’une autre au cubaton, cette musique qui a permis à de jeunes inconnus, même pas issus du Conservatoire, de se hisser en tête avec une boîte à rythmes et quelques idées basiques. Et de brasser plus d’argent en un an que les anciens dans toute leur vie ! C’est ainsi qu’est né le cubaton, la rencontre du troisième type entre la science musicale cubaine et les reguetoneros, tant et si bien que ces derniers lâchent l’ordinateur et se mettent à jouer en live pour ne pas être dépassés par la fusion des anciens. Et la réalité rejoint l’étymologie, car « ton » signifie « super bon ».
« Le regueton, c’est une bombe. On ne veut pas nous reconnaître mais on chante le réel, la crise, l’amour, le sexe. Benny Moré venait aussi de la zone. Il a crevé de faim avant de devenir le plus grand chanteur de la musique cubaine. Comme lui, nous sommes des « barbares du rythme » des « bandits-dandys », assène Gente de Zona. Leurs chants répètent : « Tu ne veux pas me voir mais je suis là, tu veux m’effacer mais je suis plus fort que toi. Tu vas m’écouter de toute façon. »
Pour preuve : Adriana, quarante-trois ans, travaille à la télévision cubaine, a des connaissances de musique nationale profondes comme ses compatriotes, étendues bien au-delà comme tout Cubain éduqué (ils sont nombreux), et danse tout ce qui se danse depuis l’enfance. Rencontrée au concert de Gente de Zona, elle nous assure : « Le cubaton, c’est impossible de ne pas bouger. J’ai dansé tous les rythmes cubains mais celui-ci, c’est très bon… Les femmes sont un thermomètre de la danse et là, elles sont en transe. Ce son est plus pour les femmes que le rock par exemple, qui a une énergie folle mais plus masculine. Les rôles sont inversés, les hommes sur scène dansent pour les femmes. » Comme le sultan qui convoque les danseuses du ventre jusqu’à l’aube. Mais ici, ce sont elles les princesses et eux qui miment l’amour. « À chaque fois que le son s’arrête, tu es frustrée… tu as une envie folle que ça reprenne. »
Le secret du regueton est peut-être deux rythmes qui s’enlacent sans s’effacer. Un pied zouk enveloppé d’une scansion raggamuffin syncope des vagues de beat irrégulières, frissons d’une efficacité inexorable dans la danse, ellipse musicale à deux coeurs, soit, selon la définition de l’écrivain cubain Severo Sarduy, baroque…
Pour entendre du cubaton, c’est sur Radio Latina,
de 20 heures à 21 heures,
ou sur Trace Tropical,
ou attendre la venue en juillet à Paris de Gente de Zona. Quelques groupes à chercher en import : Baby Lores y Insurgentes, Gente de Zona, Bamboléo, Eddy K,
Primera Bases, Orixas,
Asento Latino…
Patrick Latronche, journal l'Humanité 31 juillet
Le film nous emmène en Bolivie et nous montre les visages d’un mouvement, paysan et indien, qui a réussi, malgré le racisme et les inégalités, à conduire l’un des siens, Evo Morales, à la présidence du pays. La gronde d’un village perdu dans les montagnes, un congrès de paysans dans l’Amazonie, une femme de ménage devenue ministre de la Justice, un indien aymara des hauts plateaux ministre des affaires étrangères... Autant de portraits qui nous guident, des Andes à l’Amazonie, des villages au gouvernement, dans une Bolivie insurgée.
Extrait du film :
http://www.youtube.com/watch?v=VutP...
Alter info America Latina
En août 2009 au bout de dix années de révolution, nous continuons à chercher nos rêves sur Venevisión, Televen ou RCTV. Pourquoi le cacher ? La telenovela des médias commerciaux règne dans nos tetes. Mais une révolution qui ne se fixe pas comme stratégie la création de son imaginaire se condamne à perdre la bataille des idées et à se faire balayer par l’idéologie dominante.
En avril 2009 Vive TV (à travers son École Populaire et latino-americaine de Cinéma) a organisé un tournage-atelier avec l’appui de tous les travailleurs de la chaine, de professeurs venus de France et du Venezuela, et la participation directe d`une organisation paysanne. Le resultat est ce cout-mètrage de 17 minutes tourné dans la cooperative du Fundo Zamorano Aracal, dans l`Etat de Yaracuy :
http://escuelapopularlatin.blip.tv/file/2303917 ?filename=Eplc-LaVuelta998.flv
L’objectif était double : former un noyau de formateurs en fiction populaire et franchir le premier pas d’une fiction libérée du feuilleton dominant. Si notre humour, notre façon de parler et de sentir, notre musique et notre littérature, si le processus révolutionnaire lui-meme nous offrent cette infinité de personnages et de situations capables de décoloniser nos rêves, qu’attendons-nous pour exproprier la fiction du quasi monopole privé de la télévision ?
L'art et la manière de fabriquer un cigare appartient à une tradition précieuse. C'est à Cuba que la méthode de manufacture des cigares est la plus rigoureuse et empreinte de traditions.
Après la culture, la récolte, le séchage et la fermentation des feuilles de tabac, vient enfin le moment d'assembler le cigare. A Cuba, l'ensemble des feuilles séchées et fermentées sont gérées par l'organisme d'Etat qui gère toute la chaîne de fabrication du cigare. Il s'agit de Cubatabaco qui joue le rôle de régulateur sur toute l'industrie du tabac à Cuba.
C'est après la troisième fermentation, qui aura duré une année entière, qu'est effectué le mélange des tabacs, ultime étape avant le roulage du cigare. Voici le déroulement des étapes du roulage d'un cigare, suivi de vidéos explicatives exclusives.
L'écotage : la fonction des écoteuses est tout à fait spécifique. Il s'agit d'enlever la nervure centrale de la feuille de tabas. Le geste est précis puisqu'il consiste à déchirer la feuille de tabac entre le pouce et l'index.
La légende veut que les cigares soient roulés sur les cuisses des cubaines, mais ce n'est pas tout à fait exact. La légende provient des écoteuses, presque exclusivement féminines, qui utilisent une planchette en bois afin de faire reposer la feuille de tabac sur leurs cuisses. Le spectacle des écoteuses au travail est tout à fait pittoresque. Elles respirent la joie de vivre, en chantant et souriant tout en travaillant.
Le roulage : le petit univers des rouleurs est la caste la plus respectée dans le monde du cigare. Il faut savoir qu'un minimum de six années sont nécessaires afin de maîtriser correctement l'art du roulage de cigare. C'est seulement au bout de dix ans que la dextérité permet de rouler les modules les plus prestigieux. La technique mise au point pour rouler un cigare dépasse le cadre de l'artisanat pour rentrer dans les concepts artistiques.
Car en plus de savoir assembler le cigare, il faut que le rouleur sache accorder les différents tabacs. En effet, la combustion harmonieuse d'un cigare est un point qualitatif important. C'est la composition des différents tabacs qui va impacter grandement sur la réussite au niveau d'une combustion harmonieuse.
Quand il commence sa journée de travail, le rouleur reçoit son quota de tabac avec les capes et sous-capes correspondantes. Il faut noter qu'il n'existe pas de gaspillage chez un bon rouleur car il sait utiliser la quasi totalité du tabac mis à sa disposition. Un rouleur confirmé produit envrion 63 cigares par jour de module double-corona. Bien entendu, il faut que les cigares soient rigoureusement identitiques.
Les cigares roulés à la main bénéficient de l'appellation Hecho à mano, gage de qualité et de respect des opérations de roulage à la main.
Les cigares hecho a mano sont manufacturés suivant une méthode issue de traditions et moeurs ancestraux. L'art du roulage s'effectue dans la succession consacrée de neuf opérations bien précises.
En premier lieu, le rouleur s'occupe de préparer la tripe, c'est-à-dire de réaliser un tube de tabac parfaitement cylindrique et d'une densité constante. Pour ceux qui ne maîtrisent pas encore totalement cette phase, il existe des pieds à coulisse servant de guide au rouleur.
Ensuite, la tripe va $etre roulée dans la sous-cape (capote). Il s'agit de la demi-feuille qui va enserrer le coeur du cigare. Les grands modules requierent deux demi-feuilles. Cette étape est importante car le mariage de la tripe avec la sous-cape détermine la qualité technique et la régularité de combustion.
La troisième opération consiste à étendre une cape sur l'établi en bois pour en couper les bords avec un couteau spécial en forme de demi-lune qui s'appelle la chavette.
Puis il faut rouler la cape autour du tube de tabac préalablement confectionné. C'est l'étape qui signifie l'aspect extérieur du cigare, ainsi qu'une partie de la régularité de combustion.
Maintenant, il s'agit de couper la tête du cigare d'une manière nette et précise.
Pour la sixième opération, le rouleur doit confectionner la tête du cigare, consistuant l'étape la plus délicate qui requiert le plus de maîtrise technique. Pour les cigares à tête ronde, une petite pastille est appliquée à l'aide de colle végétale, mais lorsque ce travail est bien réalisé, il est difficile de déceler la pastille.
C'est maintenant l'heure de finitions avec le lustrage de la cape en frottant la feuille avec la chavette. De plus, il roule la pièce sur son étable tout en l'étirant avec soin.
L'étape suivante consiste à étirer la tripe. Le geste consiste à tenir le cigare dans la main gauche tout en tirant la tripe avec trois doigts de la main droite.
Pour la neuvième et ultime étape, le rouleur doit couper le pied du cigare pour lui donner sa taille finale et sa régularité. Le rouleur utilise une guillotine miniature pour effectuer cette dernière opération.
Voilà le cigare fabriqué, mais il n'est pas encore possible de le mettre à la vente.
Le rouleur a confectionné des fagots de 50 cigares qui sont ensuite soumis au repos et au tri. Après le roulage, les cigares sont mis au repos pendant une période de quatre à huit semaines. Ce repos permet de dégager de la chaleur et de l'humidité.
Après le stockage intérmédiaire, c'est au tour de la sélection des couleurs d'entrer en compte. C'est l'étape ultime de tri qui permet de trier les cigares selon une centaine de nuances bien définies. Chque tente est rangée par lot qui pourront ensuite partir à l'expédition aux quatres coins du monde.
Bien entendu, il faut aussi équiper le cigare de son indispensable bague, puis le mettre en boîte. Sans oublier le sceau de garantie qui est apposé sur toutes les boîtes de cigares cubains.
Les feuilles de tabac cultivées dans la Vuelta Abajo et le reste du terroir cubain bénéficient du plus grand soin lors des étapes de séchage et fermentation.
Vous allez voir que toutes les étapes de la fabrication du cigare cubain sont soumises à des contrôles de qualité extrèmement stricts. La qualité incomparable des cigares cubains par rapport à ses concurrents venus d'autres régions de production vient aussi de la rigoureuse chaîne de fabrication qui applique une méthode empreinte de traditions et coutumes ancestrales.
A l'occasion du 50° anniversaire de la révolution Cubaine, Reese Erlich sort un livre " Dateline Havana: The Real Story of U.S. Policy and the Future of Cuba", analyse bien documentée où il évoque, entre autres, la politique des Etats-Unis vis-à-vis de Cuba et l'avenir de l'île avec la prise de fonction d'un nouveau gouvernement et d'un président démocrate. Le livre rappelle les relations entre Cuba et les Etats-Unis qui ont émaillé l'histoire, ébauche des scénarios futurs, et souligne les possibilités que peuvent offrir un nouveau gouvernement et un nouveau Congrès.
Mais la question demeure: le gouvernement et le 111° Congrès auront-ils la sagesse de changer de politique avec Cuba?
Ce billet, rédigé par l'auteur, résume partiellement les questions politiques qu'il développe dans son livre et explique qu'il est impératif que les US se livrent enfin à une politique d'ouverture avec Cuba.
What Are the Real US Aims in 'Bringing Freedom' to Cuba?
Par Reese Erlich. 15 avril 2009.
Si l'on en croit les plans élaborés par les Etats-Unis, le peuple cubain pourra enfin respirer l'air pur de la démocratie et déguster les fruits dorés du capitalisme. Ce n'est pas aussi simple.
Le 13 avril, l'administration Obama a annoncé officiellement la levée des restrictions sur les voyages et l'envoi d'argent à Cuba pour les américano-cubains. Les autres citoyens des Etats-Unis n'ont toujours pas l'autorisation de se rendre sur l'île. Quand, dernièrement, des journalistes latino-américains ont posé la question au vice-président Joseph Biden, celui-ci a répondu que les Etats-Unis n'avaient pas l'intention de lever l'embargo contre Cuba. Lui et le président Obama veulent que "les Cubains soient libres".
Mais qu'est-ce que cela signifie réellement? Reese Erlich, correspondant étranger, analyse cette question dans cet extrait de son livre Dateline Havana: The Real Story of U.S. Policy and the Future of Cuba
Depuis 1991, le gouvernement américain encourage de nombreux projets universitaires ou de la part de groupes de réflexion ("think-tanks") qui préparent la transition du communisme à la démocratie à Cuba. Derrière les discours sur l'autodétermination et le respect des droits humains des Cubains sur l'île, ils décrivent les moyens qui permettraient aux Etats-Unis de regagner le contrôle de Cuba. En 2004, la "Commission pour l'Aide à un Cuba libéré", créée par l'administration Bush, publiait un rapport détaillé.
Les US participeraient au développement des services de police et de sécurité, à la construction de routes, de ponts et d'aéroports.
Evidemment, ce rapport part du principe que les Cubains accueilleront à bras ouverts le capitalisme et les investisseurs venus des Etats-Unis.
Ce nouveau Cuba signerait un pacte de libre échange entre Cuba et les Etats-Unis et adhérerait au FMI et à la Banque Mondiale.
"Le gouvernement des Etats-Unis et les institutions financières internationales doivent se tenir prêts à aider un Cuba libéré à créer un nouveau système d'investissements qui encouragerait les investissements étrangers et la confiance des investisseurs, en accord avec les mécanismes du marché appropriés".
Toujours selon le rapport, Cuba devra régler les revendications annexes de la "façon la plus prompte qui soit". Et, ainsi, les Américano-cubains dont les biens ont été nationalisés pourraient soit récupérer leurs biens soit éventuellement recevoir des centaines de millions de dollars d'indemnisation.
Selon ces divers rapports, si Cuba adhère à ces politiques proaméricaines, son peuple respirerait enfin l'air pur de la démocratie et dégusterait les fruits dorés du capitalisme. Mais ébauchons un projet de transition plus réaliste à partir des véritables événements qui ont émaillé l'histoire de Cuba et de l'ancien bloc soviétique.
Le gouvernement cubain implose
Imaginons qu'une crise économique frappe Cuba, et que le gouvernement cubain commette une série de bourdes politiques graves. Les Cubains se mettent à fuir pour la Floride en bateau ou en radeau. Les Cubains en colère manifestent dans les rues de Cuba. Les frères Castro n'étant plus ni l'un ni l'autre à la tête du pays, le parti communiste se déchire. Certains dirigeants s'approprient la bannière de la démocratie alors que d'autres choisissent la répression militaire. La situation s'aggrave. L'ancien pouvoir s'effondre et de nouveaux leaders s'emparent du pouvoir, comme cela s'est passé en Union Soviétique à la fin de 1991. Les exilés cubains de Miami sautent dans le premier avion pour la Havane promettant la liberté, la démocratie et la fin de l'injustice économique. Au moins au début, les gens accueillent chaleureusement les exilés, espérant que le nouveau système répondra à leurs besoins.
Mais rapidement apparaissent un certain nombre d'éléments imprévus qui retarderont l'instauration de la démocratie. Le nouveau gouvernement ne pourra organiser d'élections tant que les partis politiques ne seront pas structurés et le système électoral en place. Et il ne pourra pas non plus mener à bien sa mission si les médias étatisés ne sont pas privatisés et les institutions créées par le Parti Communiste démantelées.
Les Etats-Unis, grâce à ses substituts à Miami, veilleront à ce que les partis proaméricains soient largement subventionnés et bénéficient d'une couverture médiatique massive. Si les Cubains qui refusent ce nouveau système se mettent à manifester, a fortiori prennent les armes, le nouveau régime démocratique sera contraint de les réprimer. Les partis politiques proaméricains créent des milices pour protéger leurs intérêts, comme cela a été le cas avant 1959. Les Etats-Unis envoient des sous-traitants privés armés, des conseillers militaires et/ou des troupes, selon les besoins. Le nouveau gouvernement n'organisera pas d'élections tant que subsistera l'agitation.
Même les diplomates US reconnaissent que le Parti Communiste Cubain jouit d'un soutien populaire considérable. Les communistes cubains, contrairement à beaucoup de leurs camarades du bloc soviétique, s'appuient toujours sur l'idéologie marxiste et gardent une capacité à mobiliser les gens ordinaires.
L'armée cubaine s'est probablement réservé des caches d'armes pour mener la guérilla. Mais même si l'insurrection armée et un soulèvement de masse ne se produisent pas, le nouveau régime devra faire face à d'énormes problèmes.
Jusqu'à présent, Cuba avait échappé au fléau que représentent l'héroïne et la cocaïne qui se sont répandues comme une traînée de poudre dans toute l'Amérique Latine. Le gouvernement cubain a pris des mesures drastiques pour tenir à l'écart les cartels de drogue internationaux.
Mais Cuba occupe une situation géographique idéale pour servir de plaque tournante aux gros trafiquants de drogue, sans parler qu'il s'agirait là d'un nouveau marché très lucratif.
Les Cubains de Miami ne seront pas les seuls à monter dans les premiers avions à destination de la Havane. Les Mexicains, les Colombiens et d'autres barons de la drogue y expédieront des kilos de drogue ainsi que de l'argent. L'ancienne mafia new-yorkaise cherchera aussi à revenir sur le devant de la scène pour prendre le contrôle de la drogue, des jeux et des réseaux de prostitution. Mais ils ne sont plus dans le coup depuis 50 ans et donc les gros trafiquants de Colombie et du Mexique peuvent tout naturellement prétendre à la préséance. Quelques guerres des gangs violentes devraient venir à bout du problème. Il a fallu dix ans d'affrontements sanglants en Russie dans les années 90 pour que seuls quelques gangs en sortent victorieux.
Mais les nouveaux démocrates et les responsables de la lutte contre la drogue ne vont-ils point empêcher l'installation de la mafia?
Les Etats-Unis ont des intérêts contradictoires à ce propos. Le trafic de drogue est une source d'argent idéale pour les partis politiques proaméricains et leurs milices armées.
Certains parmi les élites de Miami sont déjà habitués à travailler avec les barons de la drogue. En règle générale, les Etats-unis ne verraient pas d'un bon œil que des gros trafiquants de drogue s'emparent de nouveaux marchés et partagent le pouvoir politique. Mais si ces mêmes trafiquants soutiennent les partis politiques proaméricains, ils deviennent un mal nécessaire.
C'est ainsi que les Etats-Unis fonctionnaient à l'époque de Batista où certains membres de son cabinet étaient directement impliqués dans le trafic de drogue.
Après l'invasion de l'Afghanistan en 2001, les Etats-Unis n'ont pas hésité à collaborer avec les trafiquants de drogue qui faisaient partie du cabinet du gouvernement d'Hamid Karzai.
L'île de Cuba fraîchement démocratisée et privatisée serait également confrontée à des choix difficiles concernant la gestion des nombreux services sociaux du pays.
Le gouvernement cubain fait d'énormes efforts actuellement pour former des médecins - dont la préparation comprend non seulement l'acquisition de compétences en matière médicale mais également l'impératif de venir en aide aux gens ordinaires. Après l'obtention de leur diplôme, ils passent deux ans au service des communautés les plus démunies.
Les hôpitaux et les cliniques publics offrent les seuls emplois nouveaux dans le secteur médical. Les infrastructures hospitalières ont, certes, besoin d'être améliorées. L'embargo des Etats-Unis et les erreurs du gouvernement cubain ont dégradé certains pans du système. Le pays a besoin d'équipement et de bâtiments neufs.
Après l'effondrement du socialisme, les chaînes d'hôpitaux des Etats-Unis pourraient créer des filiales à Cuba avec des installations modernes. Ils attireraient également les meilleurs praticiens en leur offrant de meilleurs salaires. Certains médecins cubains ouvriraient aussi des cabinets privés lucratifs.
Le gouvernement pourrait continuer à financer les hôpitaux publics, mais combien de temps faudra-t-il pour que les meilleurs médecins partent vers le secteur privé, laissant aux pauvres les soins au rabais? Et combien de temps faudra-t-il pour que le gouvernement pris à la gorge réduise les coûts des soins de santé pour équilibrer le budget? La qualité et la gratuité des soins ne seraient plus qu'un lointain souvenir.
Pas besoin d'émettre des hypothèses sur un tel scénario. Le système de santé en Russie a subi un arrêt cardiaque quand Boris Eltsine a pris le pouvoir en 1991. En partie à cause d'un système de soins déplorable, l'espérance de vie en Russie est en baisse depuis le début des années 1990.
Dans une certaine mesure, le débat sur Cuba balaie l'échiquier politique des partis traditionnels. Ces dernières années, les Républicains conservateurs et les Démocrates modérés se sont entendus pour maintenir le statu quo à Cuba. Une large majorité des Républicains et des Démocrates ont voté à la fois pour la loi Torricelli de 1994 et pour la loi Helms-Burton de 1996. George Bush Jr. a renforcé l'embargo une fois de plus in 2004 avec le soutien des deux grands partis avec des élus comme les sénateurs John McCain et Hillary Clinton.
Quand le président Bill Clinton était en fonctions, beaucoup de progressistes avaient espéré qu'il lèverait partiellement l'embargo au cours de son second mandat une fois qu'il n'aurait plus à craindre les pressions politiques pour sa réélection. Il a levé l'embargo de façon non officielle en ne sanctionnant pas les Américains qui se rendaient à Cuba. Il avait également permis à des artistes et musiciens cubains de se produire aux US. Mais à part à ça, il a poursuivi la même politique inflexible contre Cuba que les autres gouvernements.
Au cours de sa campagne pour les primaires en 2008, la sénatrice Hillary Clinton avait choisi une ligne dure et implacable contre Cuba. Allant à la pêche aux voix des ultraconservateurs de Miami, elle avait déclaré qu'elle laisserait en place les restrictions décidées par Bush. Sa position vis-à-vis de Cuba était identique à celle de John McCain. Le sénateur Barack Obama n'était pas d'accord avec Bush sur certaines mesures à l'encontre de Cuba. Il s'était opposé aux restrictions de 2004, reflétant l'opinion de nombreux démocrates américano-cubains en Floride. Il a voté contre le financement de TV-Marti, disant que c'était du gaspillage d'argent public.
La sénatrice Hillary Clinton avait voté en faveur de ce projet de loi. Mais les différences avec Obama ne sont apparues que progressivement. Il a fait campagne à Miami en tenant des propos d'un anticommunisme virulent.
"Depuis que je suis né, il n'y a eu que des injustices à Cuba. Jamais, depuis ma naissance, le peuple cubain n'a connu la liberté. C'est le terrible et dramatique statu quo que nous connaissons depuis un demi siècle - d'élections qui sont tout sauf justes et libres; de dissidents enfermés dans les cellules sombres de prisons pour avoir commis le crime de dire la vérité. Je ne tolèrerai pas cette injustice, vous ne tolèrerez pas cette injustice, et tous ensemble nous agirons pour la liberté à Cuba".
Paradoxalement, certains dirigeants conservateurs du parti républicain - pas de ceux qui faisaient campagne pour les présidentielles - semblaient plus conciliants.
La sénatrice Kay Bailey Hutchinson, une républicaine conservatrice du Texas a déclaré:
"Cela fait un moment que je me dis qu'il faut que nous réfléchissions à une autre stratégie vis-à-vis de Cuba, à savoir davantage permettre les échanges commerciaux, en particulier pour les denrées alimentaires, surtout si nous pouvons offrir au gens davantage de contacts avec le monde extérieur, si nous pouvons construire un système économique qui permettrait aux gens de lutter contre la dictature. Je pense que c'est une chose à laquelle nous aurions dû réfléchir il y a déjà un certain temps, franchement".
Hutchinson reflétait l'opinion de beaucoup d'élus d'états agricoles.
L'agrobusiness pourrait engranger des profits supplémentaires si les US levaient l'embargo sur les échanges commerciaux.
Ce sont les Noirs qui souffriraient le plus de la transition à Cuba. Cette nouvelle élite blanche de Miami aurait peu d'égards pour eux. S'ils étaient privés de la couverture santé universelle, de l'instruction, des moyens de transport et des autres programmes subventionnés, la situation économique des Noirs de Cuba serait plus dramatique que celles des Blancs.
Même si vous ne croyez pas à tout ce que j'ai évoqué ci-dessus, beaucoup de Cubains le croient. La perspective qu'une élite proaméricaine venue de Miami dirige Cuba les terrifie.
L'avenir des relations USA-Cuba commence à Washington.
La décision d'un changement dans les relations entre les USA et Cuba dépendra de l'évolution politique à Washington, pas à la Havane. Les administrations futures pourraient bien décréter qu'il y a eu à Cuba des changements importants et prendre donc l'initiative de négociations. Elles seraient probablement contestées par le lobby cubain et les anticommunistes acharnés du département d'Etat et des agences de sécurité.
D'un autre côté, un nombre croissant d'élus, de chefs d'entreprises et de militants de base sont en faveur d'un dégel dans les relations avec Cuba. La question est: ceux qui contestent la politique des Etats-Unis pourront-ils atteindre la masse critique?
Etant donné la dynamique de Washington, il semble peu probable qu'un président quel qu'il soit prendra l'initiative de changer de politique vis-à-vis de Cuba. La pression pour le changement devra s'insinuer peu à peu depuis la base jusqu'à la Chambre des Représentants, au Sénat et finalement à la Maison Blanche.
La pression pour le changement de politique
En septembre 2003, la Chambre des Représentants votait par 227 voix contre 188 la levée de l'interdiction de se rendre à Cuba pour les Américains, et un mois plus tard, le Sénat faisait de même par 59 voix contre 38. Ces majorités étaient constituées d'élus d'états agricoles, de progressistes et de Républicains ''libéraux'' qui s'opposent à des sanctions unilatérales. Sous la menace de se voir opposer un veto par le président Bush, le Congrès, cependant, avait renoncé à ce projet de loi. Parmi les détracteurs de la politique américaine, il y avait des progressistes comme les députés Barbara Lee (Démocrate-Californie) et Charles Rangel (D-New York) mais également des conservateurs comme le député Jeff Flake (Républicain-Floride) et le sénateur Pat Roberts (R-Kansas).
Philip Peters, ancien haut responsable du département d'état et qui enseigne actuellement au Lexington Institute à Washington, m'a expliqué que les Républicains de la Chambre des Représentants jouaient un rôle très important sur tous les votes concernant Cuba.
Il les divisait en trois catégories. "Environ un tiers vote pour la levée des sanctions. Un tiers y est totalement opposé. Et le dernier tiers vote pour le maintien des sanctions, et cela, contre leurs convictions personnelles. Ce sont ces mêmes élus qui sont favorables aux échanges commerciaux avec la Chine et le Vietnam.
Et ce tiers là et leurs homologues démocrates font l'objet d'un lobbying intensif. Par exemple, le lobby "U.S.-Cuba Democracy PAC", financé par de riches américano-cubains du comté de Dade en Floride, a versé 446.500 dollars aux membres du Congrès en 2006-2007, dont 1000 dollars pour chaque membre du Congrès nouvellement élu.
Le député Denny Rehberg (R; Montana) soutenait un allègement de l'embargo dans le but d'aider les exportations agricoles de son état. Mais il a changé de camp et reçu 10500 dollars de dons de campagne de la part du Pac.
Mais ces groupes sont de plus en plus déconnectés de la communauté américano-cubaine.
D'après un sondage d'opinion effectué par un institut fiable, 55% des Cubains vivant à Miami sont actuellement contre l'embargo des Etats-Unis à Cuba. Même certains groupes anticommunistes purs et durs reconnaissent maintenant que l'embargo est un fiasco.
Pour que les Etats-Unis décident de changer d'orientation avec Cuba, il faut que plusieurs facteurs soient réunis.
Les leaders de Washington doivent considérer que les réformes économiques de Raul Castro sont importantes. Les chefs d'entreprise des Etats-Unis doivent faire pression sur le Congrès et sur le président pour qu'ils lèvent l'embargo. Et le Lobby Cubain doit essuyer quelques revers politiques.
Le colonel Lawrence Wilkerson, ancien assistant de Colin Powell, dit que les américano-cubains commencent à prendre leurs distances avec les politiques anti-cubaines pures et dures.
"Jusqu'à ce qu'on en arrive à la goutte d'eau qui fera déborder le vase. Mais cela prendra du temps. Quand nous arriverons à ce que les Américano-cubains aient une opinion différente sur Cuba, il y aura un énorme changement. Soyons honnête, notre politique vis-à-vis de La Havane est ridicule."
Et si les Etats-Unis ne changent pas de politique, m'a dit Robert Muse, avocat et lobbyiste, Cuba peut se permettre d'attendre.
"Nous sommes isolés sur Cuba. Cuba a bien moins besoin d'un rapprochement avec les Etats-Unis qu'il y a une quinzaine d'années". Faire un pied de nez aux Etats-Unis, ajoute-t-il, "donne à Cuba une envergure internationale".
Et donc, la balle est dans le camp des Etats-Unis. Reste la question de savoir si les dirigeants aux Etats-Unis sont disposés à jouer.
Reese Erlich est journaliste free lance et travaille pour la radio et la presse écrite.
Note annexe:
Extraits du compte-rendu sur le livre par Mavis Anderson
Erlich, dans son livre, ne décrit pas Cuba comme un paradis mais, au contraire, montre les véritables problèmes et les enjeux au sein du système à Cuba.
Ainsi, s'il est certes vrai que certains Cubains quittent l'île, en très grande partie pour des raisons économiques, le plupart des Cubains préfèrent y rester et chercher des solutions en s'appuyant sur le modèle socialiste.
Pour comprendre les réalités actuelles, Erlich fait appel aux événements historiques, opposant les versions radicalement opposées qu'étudient les Cubains et les Américains.
Il explique qu'on enseigne aux élèves américains que les Etats-Unis ont libéré Cuba du joug des Espagnols en 1898; Les Cubains apprennent qu'une forme de domination coloniale en a remplacé une autre.
Toutefois, les choses sont en train de changer au sein même de la communauté cubaine, principalement installée en Floride.
Erlich, revenant notamment sur l'invasion de la Baie des Cochons, dit que certains vétérans américano-cubains qui y avaient participé à l'époque, et avaient passé un certain temps en prison à Cuba, ainsi que de nombreux américano-cubains d'un certain âge qui, tout jeunes, ont émigré aux US, luttent actuellement inlassablement pour la levée de l'embargo à Cuba.
Erlich évoque également la position pure et dure des Cubains qui ont immigré aux US avant 1980 et qui ont constitué un lobby puissant.
Or, les choses ont changé et un sondage effectué en 2007 montre que 64% de la communauté cubaine s'opposaient aux mesures de Bush de 2004 en ce qui concerne les voyages à Cuba et l'envoi d'argent.
Un américano cubain explique, par exemple, que la communauté cubaine votera plus librement selon ses convictions quand elle sera débarrassée du "grandmother factor," qui impliquait que les jeunes générations devaient voter comme leurs aïeuls.
D'autre part, le lobby cubain (anticastriste et anti-communiste, donc), semble perdre de son influence. Obama a remporté l'état de Floride sans avoir eu besoin de solliciter les voix de la communauté.
Erlich, qui milite pour un rapprochement US-Cuba, poursuit en disant qu'une nouvelle politique vis-à-vis de Cuba aurait un impact sur toute l'Amérique Latine.
Dans le dernier chapitre Erlich soulève les questions les plus épineuses, dont le fait que Cuba soit sur la liste des états qui viennent en aide aux terroristes, ou la base navale de Guantanamo, la position des US sur les réformes mises en place petit à petit par Raul Castro, etc.
D'autres questions surgissent : le sort des "dissidents" cubains, celui des 5 de Cuba, etc.
Erlich, faisant remarquer les efforts de Raul Castro vis-à-vis des US, attend d'Obama les mêmes efforts.
Note perso