26 mars 2009
4
26
/03
/mars
/2009
13:02

Par María Laura Riba
En ouvrant la porte de son bureau, j´ai vu se dessiner sa silhouette en contre-jour. Derrière le bureau, un homme mince aux cheveux blancs souri, il tend la main et m'invite à m'asseoir et à converser.
Omar González, président de l´ICAIC et inquisiteur dans océans des réflexions sur les médias, ordonne quelques papiers : « Regardez, c´est un article que j´écris. Je ne voudrais jamais arrêter d'écrire », dit-il sans grandiloquence, et il commence à parler de la dernière chose qui a lu. Omar González parle posément et sans élever la voix.
Qui et quoi déterminent actuellement ce qu'est l'art et ce qui ne l'est pas ?
Aujourd´hui il existe une grande confusion esthétique, relativement généralisée, elle a gommé les genres, les paradigmes, les modèles et elle a terminé de mélanger, d'une façon ou d'une autre, les références et les limites, jusqu´à les estomper. Aujourd´hui on ne sait pratiquement pas comment distinguer ce qu'est art et ce qui ne l'est pas... Il suffit que quelqu´un ayant du pouvoir sur le marché dise : « Ceci est de l'art et ceci se vend comme tel », alors commencent à fonctionner les systèmes de validations et de félicitations, jusqu´à le convertir en une référence presque universelle. Et celui qui en doute devient un conservateur. Aujourd´hui il devient très difficile de déterminer ce qui n´est pas de l'art de ce qui réellement l'est. Non seulement la scène, mais le point de vue ont aussi changé radicalement. Et la meilleure chose : le résultat n´est pas toujours réfutable.
Considérez-vous que les grands médias, que la télévision, se soient convertis en conducteurs de cette confusion ?
Les médias ont confondu un grand nombre de personnes car ils ont banalisé toutes leurs manifestations qui sont essentiellement quotidiennes. C´est un phénomène mondial. J´ai des doutes sur si la télévision serait capable de se détacher un jour de la banalité du spectacle, y compris les appelés instructifs.
C´est impossible de concevoir la télévision sans ces programmes idiots de participation que l'on sait insignifiants, que n´approfondissent pas (mais qui abondent), qui n'ont aucune profondeur psychologique et intellectuelle, et encore moins sans la manipulation informative et sans la construction d´un imaginaire décadent, et dont le cinéma était le premier. Néanmoins, nous savons tous que pour la télévision se réalisent aussi des œuvres de maîtres, ce qui introduit une complexité supplémentaire : les choses ne sont pas en noir et blanc, les nuances existent aussi. Mais il n'y a aucun doute que la télévision, au niveau mondial, est signée par la banalité.
De là leur forme particulière d´amuser dans la même mesure, en abêtissant et en éloignant de la réalité. Nous vivons une époque dans laquelle le plus éblouissement et le plus méritoire est habituellement le moins important. Le résultat est que celui que sait le plus, par exemple, n´est pas le paradigme, contrairement à celui qui possède le plus. Et comme presque toujours celui qui possède le plus est habituellement le plus bête, ceci se converti en un modèle de sociétés entières, par œuvre et grâce aux médias, en première place ceux des audiovisuels, y compris Internet.
Que pensez-vous d´Internet ?
Internet est déjà un méta-média, le plus important de tout grâce auquel il n´y a pas secret sûr, c´est-à-dire qu'il l n´y a pas de secret, ni aucun lieux obscurs ou insignifiants, bien que tout cela paraisse tautologique, l´inégalité et l´exclusion existent aussi.
Comme conséquence de l´hostilité des États-Unis contre notre pays, la largeur de la bande est très étroite à Cuba ; par conséquent, il nous est difficile de pouvoir naviguer ou entrer dans des sites offrant des vidéos et réaliser une interaction avec les nôtres. Dans quelques camps, ceux de la vitesse et du développement, Internet est prohibitif pour nous, principalement pour les raisons de la connectivité et parce que le blocus du gouvernement des États-Unis contre Cuba n´est pas une abstraction, il s'exprime en choses concrètes. C´est un grand obstacle. Notre pays est mieux préparé que d´autres ayant un niveau de développement analogue pour assumer Internet. Souvenez-vous qu´ici nous avons commencé par l'alphabétisation informatique qui est un des premiers accords qui a été adoptés lors des Sommets de la Société de l´Information.
Internet est, principalement, un accès, non des moindres ; par exemple, l´autre (qui peut être nous-même), a accès aux différentes sources d´information (et de désinformation), à la connaissance (et à l´ignorance la plus régressive) ; mais Internet est le miroir, l´hyperbole du monde, il y a des aspects qui y sont très concentrés, ils se manifestent de façon beaucoup exagérée que dans la réalité : la pornographie, la xénophobie, la banalité, le chaos du monde actuel. Internet magnifie, fait que la réalité soit omniprésente et, en même temps, oblique. Internet est bénéfique dans la même mesure qu'il est préjudiciable. Comme la propre vie qui contient la mort.
Que se passe-t-il avec le public d´Internet ?
Il y a un public qui voit la réalité, ou sa représentation, dans le cinéma, la télévision ou Internet, qui s'informe ou lit cette même réalité dans les journaux et sur Internet ; enfin, qui entre dans la culture d'une autre manière que l'ont fait d'autres générations. Il existe plusieurs études qui abordent l´abrutissement qu'implique la Web, spécifiquement Google. L´individu a perdu la capacité de concentration, de travail intellectuel, car tout est plus rapide et plus éphémère. Le différents écrans ont non seulement été capables de substituer l´efficacité du livre, mais ils sont transformés peu à peu les capacités de l´être humain quant à la lecture en quelque chose de totalement différent. Regarder est beaucoup plus fugitif que feuilleter. Je ne voudrais pas paraître nihiliste, mais ce qui se passe avec la culture numérique ne m'enthousiasme pas de la même façon dans tous les champs où elle est présente.
Au milieu d'un tel chaos, de tant de confusion, les hiérarchies se confondent, et seul quelques élus savent avec certitude ce qui est véritablement transcendantal. La fonction critique s´est égarée d'une telle façon que cela est devenue une rareté, elle s'et convertie en un outil du marché. Aujourd´hui, plus que jamais, il faut douter du succès facile et des jugements absolus, autant que des faux Messie et des visionnaires recyclés. La critique devrait servir pour appeler les choses pat leur nom.
Donc, dans cette nébuleuse, comment fait la Culture pour ressortir ? Comme président de l'ICAIC, comment pensez-vous que le cinéma cubain puisse s'ouvrir un chemin au milieu de ce maelström informatif ?
Je continue à croire beaucoup plus en l´efficacité multiplicatrice des petits espaces, des niches d´authenticité, dans le travaille avec les publics spécifiques, qui est notre véritable destin. Le destin de notre culture n'est pas d'aspirer à un spectateur global, qui a très peu de probabilités d´être un expert en cinéma cubain, soumis comme il l'est à des alluvions d'interventions monoculturales. En revanche, par le chemin de l'accroissement, nous pouvons espérer un accueil plus ample, rencontrer des gens informés, ou s'informant sans préjugés, qui ont accès et qui se mettent en relation avec le cinéma cubain de la même façon qu'ils le font avec le cinéma asiatique, avec l´argentin, le cinéma hongrois, le polonais...
Finalement, la culture, dans sa signification la plus durable, partira toujours d´un fondement culturel pluriel, multiple. Cette diversité est ce qui confère une vitalité gnoséologique, spirituelle, à la culture. Je continue à penser que, maintenant plus que jamais, nous devrions travailler sur ces refuges de sensibilité, sur ces parcelles de la connaissance. Parce que nous sommes devenus la périphérie absolue, car, malgré tout ce que je dis, vous ne pouvez pas vous soustraits à la réalité que le monde, aujourd´hui, est dominé par un seul pays dans le camp audiovisuel : les États-Unis. En Europe, le berceau du cinématographe, le cinéma le plus vu est le nord-américain. C´est-à-dire que le cinéma national, là-bas, est aussi marginal. Je pense qu´il faut remanier de nombreuses choses, inaugurer des nouvelles formes de circulation de la culture. Sans sous-estimer aucun espace, pour petit qu'il soit.
Que faisons-nous ? Nous travaillons avec les universités et les organisations estudiantines, nous hiérarchisons de précaires (mais très intéressant) festivals, nous formons des publics, nous travaillons avec les institutions, nous personnalisons le spectateur et nous conférons une importance stratégique aux milieux académiques. Il ne nous manque pas ni la dévotion des anciens missionnaires, ni la conscience claire du problème, ni la responsabilité au moment de le solutionner. Une génération existe, non pas dans le monde mais à Cuba, qui ignore la magnitude du cinéma cubain, et du meilleur cinéma universel. Pour diverses raisons, parmi elles l´effet négatif des propres médias. Néanmoins, la loyauté du public à son cinéma a été constante. Le bilan principal de l´ICAIC, et logiquement de la Révolution, est d'avoir formé un public intéressé dans le fait culturel cinématographique.
Pourquoi considérez-vous que le public cubain continue à être loyal à sa cinématographie ?
Premièrement, pour des raisons culturelles. Nous aimons nous voir représentés à l´écran, et dans ce pays encore plus, car nous avons fait partie d´un processus historique très intense ; par conséquent, cet individu que nous sommes, aime que sa vie, qui est tant acharnée et à la fois si agréable, soit représentée à l´écran ; entre autres choses, parce que c´est d´intérêt, beaucoup plus si nous prenons en considération que le projet de domination impérialiste a été capable de faire de l´indifférence une religion universelle.
À Cuba il est très difficile de rencontrer quelqu´un qui soit indifférent à sa réalité. Ni même ceux qui y renoncent. Il est très difficile de vivre en marge des événements sans s'impliquer entièrement. Ceci bien que nous soyons en recul en ce sens, car, après tout, nous ne sommes pas des créatures de laboratoire. Les difficultés nous définissent aussi et nous appartiennent. Nous sommes un petit pays, une nation encore jeune, mais prodigue en Histoire. Les cubains ont toujours fait partie d´une bataille, celle de conquérir ou de défendre notre indépendance tous les jours. On sent de la fierté d'appartenir à ce pays.
Voir... nous avons une nébuleuse informative, nous avons une domination audiovisuelle de la part d´États-Unis, nous avons un manque de différenciation de hiérarchies, mais en même temps nous avons, encore, des personnes loyales, l´essence humaine survit encore...
Regardez, je pense que le monde arrive à sa fin. Les données parlent d'elles-mêmes, les catastrophes et la dégradation des systèmes naturels le confirment. Il y a ceux qui ont confiance en la capacité des êtres humains de s'adapter, historiquement parlant, mais les changements qui ont lieu en notre époque sont vertigineux, hallucinants. Nous n'avons même pas le temps de déménager vers une autre galaxie, vers d'autres mondes possibles. Cela ne veut pas dire que la vie humaine disparaîtra dans à peine deux siècles, dans un clignement d'œil - bien que cela puisse se passer, tout dépend de quelques puissants et de nous-mêmes - mais plutôt que nous n'avons jamais été si proche, et à un tel rythme de détérioration, de la fin du temps de l´homme.
Imaginons que le monde a survécu. Comment voyez-vous Cuba ?
Le monde survivra, n'en doutez pas. Ainsi, jusqu'à ce que se produise la fusion finale entre Andromède et la Voie Lactée. Nous savons que ce sol que nous arpentons deviendra poussière. Quant à nous, je parlerai seulement d'un aspect : est-ce que vous imaginez une société comme la notre, avec la densité de connaissance dont nous disposons, qui est notre principale ressource incombustible, complètement informatisé - car elle le sera, il n'y a pas le moindre doute -, produisant et faisant circuler des contenus avec nos points de vue au sujet des réalités les plus diverses et des problèmes du monde contemporain ? Est-ce que vous imaginez Cuba contribuant au développement technologique et humain beaucoup plus que maintenant, quand c'est un des pays qui apporte le plus à l'échelle mondiale ? Mais premièrement nous devrons résoudre un grand nombre de problèmes. Par exemple, les institutions culturelles qui sont surpassés par le talent existant. Nous vivons une typique crise du développement sous les conditions du sous-développement. C´est un problème sérieux, car il a une incidence directe quant à la participation des nouvelles générations dans la croissance de la société. Il est donc nécessaire de chercher de nouvelles solutions à ce type du problème, qui est aussi nouveau. Les problèmes de la plupart des pays Latino-américains et Africains sont autres ; ils manquent de ce capital humain. De là l´importance de la solidarité que pratique Cuba.
Que continue à définir l´être cubaine au milieu de ce monde qui - nous le croyons - peut encore être sauvé ?
Un ami, très expert dans les outils de l´art et de l'identité, a dit que l´anti-impérialisme définit le cubain. D´après cet ami où se définit véritablement sa cubanité est de savoir s'il est en faveur ou contre l´impérialisme yanqui. C'est ce que dit cet ami qui, indubitablement, n´est pas très ferré des analyses réductionnistes. C'est clair, la cubanité est beaucoup plus que cela, mais elle ne cesse pas d´être (aussi) ce que pense l´ami. Ce qui définit le mieux la culture est qu'elle se soutient depuis l´identité, comme fait organique, consubstantielle, définitoire et insubstituable. Nous sommes la cubanité, deux sous la protection d'un son et, sans savoir danser, qu'on le veuille ou non, la cubanité est un autre mystère qui nous accompagne, et qui ne nous abandonne jamais.
Tiré de Cubarte
Français:
Un court métrage documentaire sur le Festival de cinéma à maigre budget 2007 qui se déroule à Gibara Cuba une fois par an au mois d'avril. Une initiative du réalisateur cubain Humberto Solas.
Synopsis
Depuis 5 ans la petite ville de Gibara accueille avec enthousiasme le Festival International du Cinéma Pauvre. Une initiative en faveur d'un cinéma alternatif et indépendant, pour la démocratisation du cinéma.
Ce court métrage est le résultat de la rencontre sur place de deux réalisateurs du « cinéma pauvre ». L'une Belge, l'autre Bolivien. Il vous transporte quelques minutes dans l'ambiance chaleureuse de cette petite ville accueillante et très fière de son festival.