"A Telesur la vérité est la vérité, et elle est imprescriptible."
Interview de Patricia Villalega
Lundi 28 Février 2011
Il est samedi midi à Caracas, et ce n'est pas le ciel couvert qui annonce la tempête, mais nous sommes cependant au milieu de l'une d'elles. C’est un rare ciel couvert de Février, qui impressionne à la fenêtre de l'appartement de Patricia Villegas, présidente de Telesur, sur les hauteurs de Boleíta Norte. Celle-ci, cependant, ne s'inquiète pas de lui. Elle a sa propre tempête ici, sur l'écran.
Telesur est l'unique media international à couvrir directement les évènement de Libye, et ce que montre le correspondant Jordán Rodríguez ne coïncide pas avec l'information que les autres médias - pour la plupart absents du théâtre des évènements - ainsi que les réseaux sociaux, ont diffusé dans le monde entier.
Comme simple démonstration du désaccord, le journaliste Vénézuélien n'a trouvé, dans son parcours à Tripoli, aucune évidence du bombardement que le gouvernement de Mouamar El Kadhafi est supposé avoir ordonné contre des manifestants civils. Conséquence? Des accusations de manipuler et déformer les informations et jusqu'à celles de couvrir un génocide. C'est la tempête!
"Nous sommes habitués à ce que l'on nous accuse, dit Villegas. Avant que Telesur ne transmette sa première info ils nous avaient déjà critiqués pour avoir montré une femme qui chantait un texte de Caetano Veloso qui avait paru à quelqu'un être une apologie de l'ETA. N'importe lequel d'entre nous est aguerri à cet égard."
Quelques heures auparavant, Télésur avait réussi à mettre sur place une deuxième équipe de reportage, cette fois à Bengasi, ville sous contrôle de l'opposition à Kadhafi. Et ce matin, au moins deux autres médias internationaux ont commenceé à émettre depuis la Lybie: l'agence Reuters et la BBC de Londres.
- Si on se fonde sur la couverture de Telesur, qu'est-ce qui se passe en Libye?
- Personne aujourd'hui ne peut le dire, personne. Telesur a montré la réalité qu'il a capturée, une ville de Tripoli qui est supposée avoir subi un bombardement, mais où il n'y en a pas trace. Cela a été l'objet de plaisanteries, de moqueries, dont je ne m'occupe pas. Je leur ai demandé, moi, aux journalistes d'ici pourquoi il n'y avait que Télésur en Lybie?
- Beaucoup pensent que c'était à cause de la préférence du gouvernement Libyen? Etait-ce le cas?
- Non, pas du tout, et nous ne sommes pas non plus entrés en contact avec le gouvernement pour entrer. Nous y sommes allés de notre propre chef, dans un vol commercial depuis l'Italie. Et notre équipe a été arrêtée et frappée à deux occasions.
- Vous avez pleinement confiance dans la confirmation future de la version de Télésur?
- Je suis fière de mes équipes. Nous avons pour principes et valeurs que la vérité est au dessus de n'importe quelle circonstance. L'histoire le dira. Cela s'est passé comme ça lors d'autres reportages importants, comme l'attaque de l'Equateur par la Colombie ou le massacre des Indigènes de Pando, en Bolivie. Ils nous ont critiqués, mais les images sont là. Les paroles sont du vent, mais les images sont des documents inaltérables.
- Cependant, il y a des paroles qui sont très marquantes. Selon le portail Código Venezuela, le correspondant a dit qu'il y avait là-bas 'une fête et non une guerre". Personnellement, je ne l'ai pas écouté... Il l'a dit?
- (Elle demeure pensive). Il faudrait revoir la transcription textuelle, je ne me souviens pas qu'il ait employé le mot "fête". Mais au delà d'une parole, il y a les images, qui ne sont pas celles d'une ville bombardée.
- Ce n'est pas une nouveauté que Télésur soit différent de l'appareil médiatique international. Mais qu'il y ait désaccord avec des canaux alternatifs comme Al Jazeera est étrange. Comment cela s'explique-t-il?
- Bon, Ils ne sont pas parvenu à émettre en direct depuis Tripoli. Nous admirons le travail d'Al Jazeera qui a été , et continue d'être une chaîne amie. Les analyses concernant les positions, les omissions ou pas, les intentions ou pas, de cette couverture particulière devront être faites après coup. C'est très aventureux et irresponsable d'émettre une opinion, parce que les faits sont en train de se dérouler. Ce n'est pas une situation terminée. C'est très commode de juger, depuis une officine ou une chaîne comme Al Jazeera qui a perdu tant de gens pour tenter de relater ce qu'elle avait à relater. Quand tout sera retombé nous pourrons y voir plus clair.
- Télésur est une idée du président Chavez devenue réalité. Jusqu'à quel point la politique internationale de son gouvernement dicte-t-elle la ligne éditoriale?
- Je n'ai jamais reçu d'instruction venant du président Chavez pour éliminer ou ne pas éliminer une information, et pas non plus de manière détournée ou au travers d'une insinuation ou d'une suggestion. Ce qui se passe, c'est que nous incarnons la recherche d'une information dans son contexte, de voix multiples, et, de préférence, pour celles qui n'ont jamais été écoutées. Ce qui est clairement en accord absolu avec le projet politique incarné par le Président. Nous faisons partie, nous en sommes honorés, de ce projet politique.
- Selon vos informations et vos renseignements, à quel Pays Arabe pensez-vous envoyer la prochaine équipe?
- Ha, ha! Nous n'avons pas d'informations et renseignements! Nous suivons seulement les faits, les informations. Nous sommes en train d'envoyer des renforts à l'équipe de Bengasi. Nous allons tenter de monter dans la flottille qui va à Gaza. Nous sommes aussi au Chili, pour l'anniversaire du tremblement de terre, et nous avons été à d'autres endroits... posez-moi des questions sur les manifestations aux Etats-Unis... ?
- D'accord! Répondez...
- Nous avons été au Wisconsin et je voudrais savoir, moi, qui a couvert cela à fond. Ne me parlez pas des agences parce-qu'elles transmettent des images et une ou information ou l’autre. Mais qui a envoyé des journalistes qui disaient tout ce qui était en train de se passer? Telesur.
- S'ils trouvent des preuves du bombardement, les verrons-nous sur l'écran de Télésur?
- Evidemment, évidemment, tout ce qui se passe... tout. Ce que les gens veulent voir et ce qu'ils ne veulent pas voir; ce qui leur paraît certain et ce qui ne leur paraît pas. .La couverture de la situation en Libye, je le dis sans prétentions, est d'un niveau élevé. Nous avons diffusé toutes les voix, toutes. Ceux qui étaient d'accord avec Kadhafi, ceux qui ne l'étaient pas et aussi ceux qui disaient qu'il n'était pas le problème, ainsi que les interventions étrangères et l'envie du pétrole. La vérité est la vérité, et elle est imprecriptible.
Une Colombienne attachée au Vénézuéla
Quand Patricia Villegas a été désignée comme présidente de Télésur fin janvier, l'université de d'El VAlle (de la ville de Cali, en Colombie) l'a détaché sur sa page web comme un grand succès pour une diplômée de son Ecole de Communication Sociale.
D'autres commentaires sur Internet ne furent pas si élogieux. Dans les poubelles digitales s'est répandue la xénophobie: "Il n'y aurait donc pas de journaliste Vénézuélienne de talent pour qu'ils nomment cette Colombienne?" et des choses pires, vous le savez.
Employée de la chaîne depuis avant sa sortie en 2005, elle a été reporter dans des situations de conflit, ancrage, et intervieweuse prestigieuse. Maintenant, en dépit de sa jeunesse, ses fonctions l'obligent à donner des conseils aux correspondants qui vont dans des missions dangereuses à l'extérieur. 'Nous leur disons que leur sécurité est au dessus de l'information, que le journalisme est un exercice rigoureux et qu'ils ont la responsabilité de faire part de ce qui est en train de se passer" résume-t-elle.
Ce n'est pas seulement Télésur qui l'attache au Vénézuéla. Mais aussi sa relation avec le Ministre du Pouvoir Populaire pour la Science, la Technologie et les Industries Intermédiaires, vice-président de la zone Economique Productive, Ricardo Menendez.
La question politico-théâtrale est alors inévitable: "Comment ça fait d'être l'épouse d'un ministre de Chavez... le président laisse-t-il davantage de choses?"
"Non, il ne le fait pas. Ricardo et moi sommes mariés une heure par jour... c'est pourquoi que je dis que ça va durer longtemps."
Traduction : Alma