blog des amis de Cuba en Lorraine
Depuis plus de 10 ans, plusieurs milliers d’étudiants originaires du tiers-monde sont formés gratuitement pour leur permettre de pratiquer la médecine dans leurs pays d’origine.
Auteur : Sébastien Madau
L’Ecole latino-américaine de médecine (ELAM) a formé depuis sa création près de 22 000 étudiants.
Reportage
1998. L’ouragan Mitch ravage l’Amérique centrale. Cuba est épargné mais envoie ses médecins dans les zones sinistrées. Les dégâts sont tels que le contingent envoyé par La Havane ne suffit pas. “Plus jamais ça !” semble s’être dit alors le président Fidel Castro qui proposera de former gratuitement à Cuba des jeunes du monde entier jusque-là écartés des études de médecine dans leurs pays pour des motifs économiques. L’Ecole latinoaméricaine de médecine (ELAM) est née.
Les premiers étudiants arrivent dès 1999. “Nous avons reçu des jeunes d’une centaine de pays, y compris des Etats-Unis” indique Yoandra Muro Valle, vice-rectrice de l’ELAM. “Nous prenons en compte le fait que les élèves arrivent d’horizons divers. Le but n’est pas de changer leur identité”. Aussi, il n’est pas rare de voir dans les couloirs des jeunes dans leurs vêtements traditionnels.
Les élèves débuteront leur formation de cinq ans après une présélection, souvent à travers les ambassades cubaines et l’accord du pays d’origine. L’Eglise catholique ou des partis de gauche peuvent aussi servir d’intermédiaires. Les critères d’admission : avoir son Bac, être âgé de 17 à 25 ans, ne pas souffrir de maladie grave. “Le début de la formation est une analyse du niveau de chacun. Des cours spéciaux seront ensuite dispensés. Enfin, les élèves seront répartis dans les facultés de médecine de l’île avec les étudiants cubains”. Les étudiants recevront durant leur formation 100 pesos mensuels, des vêtements, un uniforme et des aliments. Bien évidemment, ces formations ont un coût que préfèrera taire la vice-rectrice. “L’effort financier est entièrement réalisé par l’Etat. Nous savons combien coûtent ces études dans les pays occidentaux. Cela revient au même ici. Sauf que c’est nous qui payons, pas l’étudiant !”
Santé rime avec solidarité
L’ELAM a reçu plus de 22.000 étudiants. Plus de 7.200 sont déjà repartis avec leur diplôme en poche. Pedro, 20 ans, espère marcher sur leurs pas. Il a été informé de l’existence de l’école grâce au parti sandiniste au pouvoir au Nicaragua (FSLN). “Je n’aurais pas pu me former dans mon pays. C’est trop cher, alors qu’à Cuba c’est gratuit”. Pour Leïla, 17 ans, le départ du Paraguay a été une déchirure. “Mes parents souffrent de me savoir si loin, mais ils savent que c’est pour mon bien”. De plus, “nous vivons dans une zone rurale. J’aurais dû aller à la capitale pour étudier. Venir ici, c’est un poids en moins pour eux”. Actuellement en 1ère année, elle espère pouvoir “pratiquer un jour dans mon village, où les médecins manquent”.
Quant à Wenderley, chauffeur de taxi en Colombie, sa venue à l’Ecole est le fruit d’une rencontre. “Un jour, je conduisais un diplômé colombien de l’ELAM dans mon taxi. On a parlé. Le projet m’a plu, surtout en sachant que les études de médecine en Colombie coûtent 4.000 euros par semestre”.
Pedro, Leïla et Wenderley, futurs médecins.
Une fois diplômés, ils retourneront chez eux. L’ELAM les laissera s’occuper de leur intégration. “C’est à eux de faire valider leur diplôme. Chaque pays a son propre système, nous les respectons” assure Yoandra Muro Valle. Après leur départ, aucune enquête n’est réalisée. “Nous nous engageons à les former sans contrepartie” promet la vice-rectrice. La plupart d’entre eux pratiqueraient dans le secteur public. “Il se peut aussi que d’autres aillent vers le privé, par choix personnel ou parce qu’il n'y a pas de système public dans leurs pays”.
L’objectif de l'ELAM est que les pays du tiers-monde possèdent “beaucoup de médecins originaires du pays s’occupant des plus fragiles”. Une mission actuellement assurée, entre autre, par des milliers de médecins cubains sur plusieurs continents. “L’augmentation du nombre de médecins du cru permettrait une diminution du nombre de Cubains envoyés à l’étranger”. Autant de moyens humains qui seraient alors redéployés à Cuba où les besoins sont toujours présents. “Que ces pays aient leurs propres médecins, c’est une bonne chose pour leur indépendance. Mais ils pourront toujours compter sur Cuba”.
Une solidarité qui a fonctionné à Haïti après le séisme de janvier dernier. 400 Haïtiens de l’ELAM (diplômés et étudiants) sont partis en urgence rejoindre des médecins cubains présents sur l’île bien avant la catastrophe dans le cadre de la coopération entre les deux pays.
SÉBASTIEN MADAU
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Source : la Marseillaise sud-est - "Les blouses blanches sans frontières"
Article publié le 16 mai 2010 sur le quotidien "la Marseillaise" sud-est, P.IV