blog des amis de Cuba en Lorraine
LAURENCE MAZURE, BOGOTA
COLOMBIE - Le candidat vert à la présidence pourrait créer la surprise le 30 mai? Portrait d'un «non-conformiste» bien peu novateur.
Refus catégorique de négocier avec la guérilla le moindre accord humanitaire pour libérer les otages, rejet de toute possibilité d'alliance avec le principal parti de gauche au second tour, soutien à une politique économique néolibérale, aucune remise en question des privatisations qui ont démantelé ces dernières années les secteurs de la santé et de l'éducation, ni de programme d'action précis contre les écoutes illégales des services de renseignement, les déplacements forcés ou les exactions des forces armées... Parle-t-on de Juan Manuel Santos, candidat du parti du président, «La U»? Non. Il s'agit du candidat du Parti vert, Antanas Mockus, que les sondages donnent au coude à coude avec le dauphin d'Alvaro Uribe pour le premier tour des élections présidentielles du 30 mai prochain, ce qui laisse prévoir un inévitable second tour le 20 juin pour départager les deux candidats. L'ascension spectaculaire de Mockus, ancien maire de Bogota de 1994 à 1997 puis de 2001 à fin 2004, dans les sondages les plus récents, tient autant au personnage à la fois honnête et excentrique qu'il a toujours incarné, qu'à un programme peu différentiable de l'«uribisme» – mis à part l'honnêteté, justement.
Parcours sinueux
Qualifié de «non conformiste» par le New York Times, le professeur de philosophie et mathématique Antanas Mockus a mis son excentricité au service de ses ambitions politiques. Le label d'«indépendant» lui a permis de justifier des alliances hétéroclites, voire contradictoires, et des déclarations qui le sont tout autant.
Son début de carrière est marqué par des gestes méprisants et agressifs peu en accord avec la culture citoyenne et le respect d'autrui qu'il prétend désormais inculquer aux Colombiens – comme de baisser son pantalon et montrer son postérieur à des étudiants contestataires de l'Université nationale en 1993, ou de lancer un verre d'eau en pleine figure au candidat présidentiel du Parti libéral Horacio Serpa en 1997.
C'est en investissant fin septembre 2009 le Parti vert-Option centre avec deux autres ex-maires de Bogota, Enrique Peñalosa, de droite, et Lucho Garzon, dissident du parti de gauche Pôle démocratique alternatif (PDA), qu'Antanas Mockus réapparait sur la scène politique.
Un encombrant allié
De ce trio, Mockus émergera en tète des primaires le 14 mars. Puis, début avril, l'uribiste «light» et ex-maire de Medellin Sergio Fajardo devient officiellement son partenaire électoral au poste de vice-président.
Pour Antanas Mockus qui ne cesse de dire qu'il ne tolèrera pas la corruption, ce choix est délicat. Une enquête pour détournement de fonds publics est en effet ouverte contre Sergio Fajardo. Durant son passage à la mairie de Medellin, il avait débouté la plainte déposée par le groupe Entreprises publiques de Medellin (EPM) contre l'hydroélectrique ISAGEN pour un montant équivalent à 310 millions de dollars, alors qu'il n'avait aucune faculté juridique pour le faire.
La manoeuvre aurait été effectuée sur ordre d'Alvaro Uribe, qui, en contre partie, a fait passer 70% de la dette du métro de Medellin au niveau national afin de soulager d'autant la municipalité dont Fajardo était maire, selon l'enquête de l'Unité nationale de lutte contre les délits contre l'administration publique. Pour des raisons inconnues, cette enquête n'a pourtant pas encore abouti à un procès.
Négociations exclues
Mais c'est sur le plan du projet qu'Antanas Mockus peine le plus à apparaître comme un novateur. A l'exception du bombardement mené en 2008 en Equateur, il soutient l'option militaire défendue par Alvaro Uribe et rejette une sortie négociée voire un accord humanitaire: «Face aux FARC, déclare-t-il à El Espectador, ma position est similaire et par certains aspects plus dure que celle du président Uribe... Si les FARC cherchaient maintenant à discuter avec le président Uribe, cela leur serait plus facile que si elles voulaient le faire avec moi...»
Dans une interview accordée au quotidien argentin Pagina 12, le candidat vert approuve l'usage de plusieurs bases colombiennes par l'armée américaine au nom de la lutte contre la drogue, mais refuse d'en évoquer les risques géopolitiques pour la région: «Sans les bases, le pays serait probablement la proie des FARC ou de l'alliance guérilla-narcotrafic», se contente-t-il d'affirmer.
Enfin, les tables rondes ayant réuni les six candidats présidentiels ont montré une claire filiation sur le plan économique, le candidat «vert» se montrant par exemple favorable à l'exploitation de la Colombie par les transnationales minières, ainsi qu'à la privatisation de l'éducation, de la santé et du système de retraite...
Source : Le Courrier